• Accueil
  • Œuvres
  • Introduction Instructions Collaboration Sponsors / Collaborateurs Copyrights Contact Mentions légales
Bibliothek der Kirchenväter
Recherche
DE EN FR
Œuvres Augustin d'Hippone (354-430) Contra secundam Iuliani responsionem imperfectum Contre la seconde réponse de Julien
LIVRE PREMIER. LES TROIS PREMIERS ARGUMENTS DE JULIEN.

71.

Jul. Mais j'en ai dit assez sur ce sujet; je passe maintenant aux paroles qui suivent: « Maintenant donc que nous sommes revêtus du corps de cette mort, lequel sans aucun doute n'existait pas dans le paradis avant le péché tel qu'il existe aujourd'hui, il y a dans nos membres une loi qui contredit la loi de l'esprit : alors même que nous ne voulons pas, que nous ne consentons pas, que nous ne prêtons point nos membres à l'accomplissement des désirs de cette loi, elle habite, cependant en nous et sollicite notre esprit qui lui résiste et qui lutte contre elle; en sorte que ce combat lui-même, quoiqu'il ne soit point condamnable parce qu'il n'accomplit point l’iniquité, est cependant une chose déplorable parce qu'il est un obstacle à la paix[^1] ». Nous enseignons, d'après le témoignage universel, que la volupté propre à chacun de nos sens fait partie de notre nature. Mais que cette volupté et cette concupiscence aient existé dans le paradis avant le péché, c'est une vérité démontrée par ce fait seul, que le premier homme fut conduit au péché par la concupiscence, laquelle, après avoir charmé ses yeux par la beauté du fruit, le séduisit en lui faisant espérer que ce fruit était aussi d'une saveur agréable. Ainsi cette concupiscence qui devient coupable quand elle ne respecte plus les bornes qui lui sont assignées, mais qui est une inclination naturelle et innocente quand elle reste dans la limite des choses permises; cette concupiscence, dis-je, n'a pu être le fruit du péché, puisqu'elle nous est représentée comme ayant été l'occasion du péché, quoique, à la vérité, celui-ci ait été accompli, non point par elle, mais par la volonté. Lis encore à ce sujet mon second livre tu verras que tu peux toi-même être persuadé réellement de la vérité de ce que nous disons. Tu as ajouté avec une subtilité ingénue, que la loi du péché existe à la vérité dans nos membres, mais qu'elle devient coupable de péché quand nous lui donnons notre consentement; que toutes les fois que nous lui refusons ce consentement, elle donne lieu seulement à un combat intérieur, et nous rend ainsi malheureux en troublant notre paix l'homme le moins clairvoyant ne découvre-t-il pas ici la contradiction de tes paroles? En effet, si la loi du péché, c'est-à-dire le péché et la nécessité du péché, sont la condition naturelle de nos membres, que sert-il de leur refuser notre consentement, puisque nous devons nécessairement subir un châtiment pour ce qui fait l'essence même de cette loi? Ou bien, si cette loi , quoique réellement elle soit une loi de péché, ne devient pas cependant coupable de péché tant que je lui refuse mon consentement, la volonté humaine a donc une puissance tout à fait inimaginable, puisque (s'il est permis de parler d'une manière aussi absurde) elle force le péché même à ne point pécher. La conclusion de tout ceci, c'est que tes paroles se détruisent mutuellement : car, si cette loi ne pèche point, elle n'est pas non plus une loi de péché; si elle est une loi de péché, elle pèche nécessairement ; mais, si elle pèche par le fait seul qu'elle existe, comment peut on lui résister pour ne point commettre le péché, puisqu'on ne peut la détruire pour mettre fin aux péchés qu'elle commet par elle-même ?

Aug. J'ai déjà répondu dans mon livre quatrième à ton livre deuxième, et je t'ai convaincu de n'avoir rien dit de solide ; mais que tes lecteurs jugent si l'on doit répondre à un homme assez insensé pour dire que l'inclination violente au péché est une bonne chose, en même temps qu'il reconnaît que le péché est une chose mauvaise. Et cependant nous sommes contraint de répondre, parce que nous ne voulons pas abandonner les intérêts des hommes peu éclairés aux mains desquels ces écrits auraient pu parvenir. Quelles sont donc tes paroles, ô toi qui, ne sais pas ce que tu dis? Est-il donc vrai que même dans le paradis, avant que le serpent eût distillé le venin de ses conseils perfides, avant que la volonté eût été pervertie par ses discours sacrilèges, est-il vrai que le désir violent d'un aliment défendu existait déjà? Et, ce qui ré. volte encore bien plus la raison, est-il vrai que ce désir poussait l'homme an mal sans être mauvais lui-même? Est-il vrai que, quand nos premiers parents portaient leurs regards sur le fruit de l'arbre défendu, ce désir s'allumait aussitôt dans leur coeur, mais que pour les empêcher de manger de ce fruit, la concupiscence de l'esprit luttait contre ta concupiscence de la chair ; et qu'ainsi ils vivaient dans ce lieu d'une félicité si parfaite sans posséder en eux-mêmes le repos de l'esprit et du corps? Vous n'avez pas perdu la raison jusqu'à croire ces choses ; vous n'avez pas perdu la pudeur jusqu'à parler de cette manière. Conséquemment, ouvrez votre intelligence aux lumières de la vérité, ou bien cessez d'importuner ceux dont l'intelligence est ouverte à ces lumières, par un flot de paroles qui n'ont rien de sérieux. La volonté mauvaise précéda, afin que par elle Adam crût à la ruse du serpent; la concupiscence mauvaise suivit, et c'est elle qui lui inspira nu désir passionné pour le fruit défendu. Ce ne fut donc pas alors un penchant quelconque qui s'opposa à une volonté quelconque; ce fut au contraire un penchant dépravé qui obéit à une volonté dépravée. Et par là même, quoique ce penchant et cette volonté fussent déjà également mauvais, ce fut toutefois la volonté qui dirigea la passion, non point la passion qui dirigea la volonté : la passion ne précéda point la volonté, elle ne lui résista pas non plus. Enfin, si avant la consommation du péché la volonté se détournait de l'usage illicite, la passion pour l'objet défendu s'éteindrait aussitôt et nécessairement. Delà ces paroles du bienheureux Ambroise : « La chair, reprenant ses forces naturelles, reconnaît sa nourrice; et abjurant ses résistances audacieuses et opiniâtres, elle se conforme aux volontés répressives de l'âme : tel était son état, quand elle reçut, pour en faire son habitation, les délicieux bocages du paradis, alors que n'ayant pas encore été infectée du venin pestilentiel du serpent, elle ignorait cette faim sacrilège et cet appétit brutal qui lui firent oublier ensuite les préceptes divins dont le souvenir était depuis peu imprimé dans son esprit. Telle est, suivant la tradition, l'origine première du péché, lequel est, pour ainsi dire, engendré par le corps et par l'âme : au moment où la nature corporelle est assaillie par la tentation, l'âme a s'émeut pour elle du sentiment d'une compassion insensée; tandis que si elle avait réprimé les inclinations violentes de la chair, le péché eût été étouffé dans son principe même et avant d'être accompli[^2] ». Vois-tu comment ce docteur catholique, si avancé dans la connaissance de la doctrine chrétienne, donnait déjà le nom de faim sacrilège à ce même désir violent du fruit défendu, que, tu déclares être un désir innocent tant qu'on ne lui permet pas de se satisfaire? Et cependant si l'âme redressant la volonté avait réprimé cet appétit violent du corps, le péché , suivant les expressions d'Ambroise , eût été étouffé dans son principe même ; mais parce que ce désir du fruit défendu n'ayant pas été réprimé, on a été jusqu'à la consommation du péché, non-seulement celui-ci n'a pas été étouffé dans son principe, mais il a infecté la race tout entière : de là est née entre la chair et l'esprit une discorde si profonde que, suivant les expressions du même docteur en un autre endroit, par suite de la prévarication du premier homme, la lutte est devenue pour nous un état naturel[^3]. Mais toi, contrairement à ce témoignage de saint Ambroise, tu prétends avoir en ta faveur le témoignage universel, quand tu enseignes «que la volupté propre à chacun des sens fait partie de la nature humaine » ; comme si, non pas dans le corps de cette mort, mais dans le corps de cette vie primitive, la volupté propre à chacun des sens n'eût pas pu leur être accordée dans une mesure suffisante pour leur nature, de telle sorte cependant que l'esprit et la chair respectant également et avec un accord parfait les droits de la vertu, la concupiscence ne se portât, vers aucun objet illicite. O combien tu es éloigné de la vérité, quand tu essaies de juger des saintes délices et de la félicité du paradis, par cette corruption et par cette faiblesse qui est actuellement le partage de la nature ! Autre chose était cette immortalité où l'homme ne pouvait point mourir : autre chose est cette mortalité où l'homme ne peut échapper à la mort : autre chose sera cette immortalité suprême où l'homme ne pourra plus mourir. Mais pourquoi discutes-tu avec une vivacité si ardente sur une convoitise dont les désirs sont eux-mêmes tout de feu, c'est-à-dire sur la loi qui lutte dans les membres contre la loi de l'esprit ? Cette loi est appelée une loi de péché, parce qu'elle porte au péché et, si je puis m'exprimer ainsi, parce qu'elle ordonne de le commettre : et si l'esprit lui obéit, on commet un péché qui est sans excuse légitime. Elle est appelée péché parce qu'elle est l'oeuvre du péché et que le péché est l'objet de ses désirs. Sa souillure a été effacée par le sacrement de la régénération ; ses luttes subsistent afin qu'on puisse par elles obtenir le prix réservé à la victoire. Elle est un mal et un mal manifeste. Sans le secours (le Dieu, nous ne lui résistons point, comme tu le crois, par les forces de notre volonté. Il faut lutter avec énergie contre ce mal, et non point nier son existence : il faut le vaincre, et non pas prendre sa défense. Enfin, si tu donnes ton consentement aux suggestions de cette concupiscence, apprends, par les péchés que tu commettras, à reconnaître qu'elle est un mal : si tu résistes à ces suggestions, reconnais encore qu'elle est un mal, en considérant les combats que tu auras à soutenir.

  1. Des Noces et de la Conc., liv. II, n. 6.

  2. Liv. VII sur saint Luc, XII, 53.

  3. Id. n. 141.

pattern
  Imprimer   Rapporter une erreur
  • Afficher le texte
  • Référence bibliographique
  • Scans de cette version
Download
  • docxDOCX (807.81 kB)
  • epubEPUB (782.29 kB)
  • pdfPDF (3.06 MB)
  • rtfRTF (2.97 MB)
Traductions de cette œuvre
Contre la seconde réponse de Julien

Table des matières

Faculté de théologie, Patristique et histoire de l'Église ancienne
Miséricorde, Av. Europe 20, CH 1700 Fribourg

© 2025 Gregor Emmenegger
Mentions légales
Politique de confidentialité