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Œuvres Augustin d'Hippone (354-430) Contra secundam Iuliani responsionem imperfectum Contre la seconde réponse de Julien
LIVRE SIXIÈME. LE SIXIÈME LIVRE DE JULIEN.

12.

Julien. Pour te suivre dans les sentiers raboteux de ton opinion, tu nous fais un libre arbitre en de telles conditions, qu'en accomplissant sa volonté il perd sa force par un juste châtiment, et qu'il demeure à l'avenir sous l'empire de la nécessité qu'il a choisie. Sois donc attentif à notre réponse. Crois-tu vraiment que l'homme, d'après sa création, ait dû subir la nécessité du parti qu'il aurait choisi, c'est-à-dire que s'il avait embrassé le bien, il n'eût pu pécher à l'avenir, et qu'en embrassant le mal, il se mettait dans l'impossibilité de s'amender? Ou bien n'était-ce que le parti du mal qui le mettait sous le joug de la nécessité, et quant au bien, rien de cela ne devait-il arriver, était-il toujours assujetti au changement? Choisis l'une de ces deux opinions : si tu dis qu'il était dans l'ordre de notre nature de subir seulement la nécessité du mal, nul n'en pourra douter, c'est la plus honteuse des natures, puisqu'elle ne subit que la violence de la condition pire ; preuve dès lors que la nature d'Adam était mauvaise, et il ne reste pour couvrir ta confusion pas la moindre ombre d'aucune volonté: Si, au contraire , tu professes qu'il en devait être de même du côté du bien, c'est-à-dire que si l'homme eût choisi le bien, il fût devenu impeccable, je réponds, pourquoi donc a-t-il péché? Pourquoi n'a-t-il point subi la nécessité du bien, pour se mettre à l'abri des embûches du démon, lui qui avant son péché demeura, comme 'on le voit, quelque temps dans l'obéissance à Dieu ? Car ce limon, que tiédit à l'entrée d'une âme, ne s'enflamma point tout à coup par la convoitise d'une volonté dépravée. Nous lisons même que, placé dans le jardin pour le cultiver, Adam reçut de Dieu l'ordre de se nourrir de tous les fruits, mais de s'abstenir de l'arbre appelé arbre de la science du bien et du mal. Donc, avant que le corps de son épouse fût tiré de son flanc, il demeura soumis au précepte, cultivant dans l'innocence un agréable parterre : il mérita ensuite la compagnie d'une aide semblable à lui. L'Ecriture indique à notre foi ces différences de temps. Or, quand il vit la femme ornée pour lui, il était tellement empressé à suivre la prescription du Seigneur, qu'il fit part à la femme de l'injonction qui lui était faite. Non-seulement gardien , mais aussi prédicateur du précepte divin, le voilà qui suggère à Eve et le respect pour le législateur, et la teneur du précepte, et la sanction à redouter. De là vient sans doute la résistance opposée par la femme au serpent qui l'accostait. Elle à qui le Seigneur n'avait fait aucune prescription, voilà qu'elle repousse tout d'abord les mensonges du serpent, et répond qu'ils ne doivent point s'abstenir du fruit de tous les arbres, comme le serpent l'avait dit dans sa fourberie, mais que les fruits de tous leur sont permis, et qu'il ne leur est ordonné que de s'abstenir d'un seul arbuste, qu'il leur faut craindre la mort qui suivrait justement la prévarication. Il est donc visible qu'Adam ne garda point les préceptes du Seigneur peu de temps, seulement, mais que ce respect de l'obéissance était aussi en Eve qui ne tomba que par le désir de la science et de la divinité. Pourquoi dès lors cette justice, cette piété, qui fut de longue durée en Adam, d'assez longue durée en Eve, ne la mit-elle point dans l'impossibilité de pécher, afin que la nécessité du bien les rendît inaccessibles aux paroles astucieuses? Aussi longtemps qu'ils voulurent, donc, ils furent obéissants, et pour prix, de cette obéissance, ils ne perdirent point la, faculté de pécher; ils tombèrent ensuite : il est donc d'une égale évidence que, prés le péché, ils ne perdirent point le.pouvoir de se corriger. Ici, dès lors, comme partout ailleurs , ton échafaudage s'écroule puisque ce péché des premiers hommes n'est devenu une nécessité pour aucun autre crime, noir plus qu'il n'a passé dans notre nature : de même que l'état de justice qui a précédé, n'est point devenu nécessité pour la vertu et ne s'est point infiltré par voie de génération.

Augustin. Tout ce que tu viens de dire si longuement et avec des paroles si ambiguës peut se dire ainsi en deux mots : « Pourquoi », dis-tu, « Adam a-t-il perdu, en faisant le mal, la faculté de faire le bien, et en faisant le bien auparavant , n'a-t-il point perdu la faculté de faire le mal? » D'où tu veux conclure que, s'il en est ainsi, sa nature n'est pas bonne par sa création, mais mauvaise, puisque chez lui une mauvaise action est plus puissante pour l'empêcher de faire le bien, qu'une bonne action n'a de puissance à l'empêcher de faire le mal. Tu pourrais dire de la même façon, qu'il est mauvais pour l'homme d'avoir été créé avec des yeux, puisqu'en les crevant, il se met dans l'impossibilité de voir ; tandis qu'en usant de la vue, il n'arrive pas à l'impossibilité de ne point la perdre : ou bien qu'il y a dans tout le corps de l'homme un vice de création, puisqu'il a le pouvoir de se donner la mort sans avoir réciproquement lev pouvoir de se ressusciter; et il arrive chez lui qu'après la mort il ne peut reprendre là vie, tandis que pendant la vie, il n'arrive pas à l'impuissance de se tuer. Si tu ne tiens pas ce langage, parce que tu en vois l'absurdité, pourquoi accuser Dieu d'avoir doté l'homme d'une mauvaise nature, parce qu'il arrive chez lui que l'effet de la mauvaise volonté c'est l'impossibilité de revenir au bien, quand la bonne volonté .n'aboutit point à ne pouvoir aller au mal ?

Tel est en effet le libre arbitre avec lequel Dieu l'a créé, qu'il pourrait ne pas pécher . s'il ne le voulait point, mais non qu'il demeure impuni s'il veut pécher Y a-t-il rien d'étonnant que, s'il vient à pécher ou s'il déprave en la changeant,cette rectitude avec laquelle Dieu l'avait fait, il soit ensuite châtié, de manière a ne pouvoir opérer le bien? Tant qu'il demeura dans cette rectitude dans laquelle il aurait pu ne point pécher,.il ne reçut aucun don supérieur, c'est-à-dire l'impeccabilité, parce qu'il ne voulut point persévérer dans le don qui lui était fait jusqu'au terme fixé pour la rémunération. Ce que les saints doivent recevoir un jour, eux qui dans ta vie future seront doués d'un corps spirituel, Adam l'aurait reçu sans passer par la mort, et se serait élevé d'un état où il pouvait ne point mourir; à cet autre où la mort fût devenue impossible; et de même; s'élevant de l'état ou il aurait pu ne point pécher, à cet autre où le péché n'est plus possible. Ce n'est point un corps spirituel qui lui fut donné lors de sa création, mais un corps animal, lequel toutefois ne devait point mourir. sans le péché. Comme l'a dit en effet l'Apôtre : « Ce n'est point le corps spirituel qui a été formé le premier, mais le corps animal, et ensuite spirituel[^1].» Ce qui a fait dire au bienheureux Ambroise,« qu'Adam fut fait dans une ombre de vie, dont il pouvait déchoir, non par nécessité, mais par volonté[^2] », S'il y fût demeuré, il eût reçu cette autre vie dont la sienne n'était que l'ombre, et qui est celui des saints, d'où ils ne sauraient plus tomber. Quant à cette mortalité qui constitue le cours de cette vie, il l'appelle ombre de la mort, et le mort dont celle-ci n'est que l'ombre, c'est pour lui cette autre mort qui sera la seconde[^3], et dont nul ne saurait revenir, dès qu'on l'a encourue. Mais quiconque est délivré de cette ombre de mort, ne se ménage .point un retour à la vie, qui -.n'est qu'une ombre, mais à cette autre vie dont on ne saurait plus sortir. C'est là que sera Adam lui même; car on croit. avec raison qu'il fut délivré des liens des enfers quand le Seigneur vint et y descendit, afin que cette première créature de Dieu, qui n'eut aucun père, mais seulement Dieu pour créateur, ce premier père du Christ selon la chair, ne fût plus enchaîné de la sorte et ne périt point par le supplice éternel. Là où la miséricorde surpasse la justice[^4], ce ne sont point les mérites qu'il faut chercher, mais la grâce; et elles sont les impénétrables et insondables profondeurs de la grâce, qu'après l'émission de cette parole : « Si quelqu'un ne renaît de l'eau et de l'Esprit-Saint, il n'entrera point dans le royaume de Dieu[^5] », nous voyons quelquefois que, en dépit du ]mérite de certains fidèles, il ne leur est point donné de faire. entrer leurs enfants dans le royaume de Dieu avec eux.; mais leurs enfants meurent sans la régénération, et tandis que, sur les vifs désirs des parents, le ministre des sacrements hâte sa course, le Dieu de toute puissance et de toute miséricorde n'attend point, pour les frapper de mort, que, nés de chrétiens, ils renaissent avant de quitter cette vie, afin de n'être point perdus tout à la fois pour le royaume du Christ et pour leurs parents ; mais ils meurent avant d'avoir été baptisés, tandis que des enfants de ces infidèles qui blasphèment la grâce du Christ, sont jetés, par une admirable permission de Dieu, entre les mains des chrétiens, et reçoivent la grâce d'être séparés de leurs parents impies, pour entrer dans le royaume de Dieu. Si tu veux ici, chercher quelle est cette justice; assurément tu ne la trouveras point dans ce discours si dialectique, si philosophique, où tu crois avoir si bien parlé de la justice de Dieu. « Le Seigneur sait que les pensées des sages sont vaines[^6] » ; et dérobant ses secrets aux sages et aux prudents, il les a révélés aux petits[^7], c'est-à-dire aux humbles, qui se confient non point en leur propre force, mais dans le Seigneur : ce que tu ne seras jamais, ou du moins ce que tu n'es pas encore. . ..

Si donc tu veux savoir, soit où, soit comment l'homme reçoit l'impeccabilité, examiné ces récompenses que doivent recevoir les saints après cette vie; mais si tu ne crois point que la malice du péché ait fait disparaître le libre arbitre par lequel l'homme pouvait et devait faire le bien, écoute seulement celui qui dit: « Je ne fais pas le bien que je veux, mais je fais le mal que je hais ». Il est vrai, vous prétendez que le mal, chez l'homme, vient non plus d'un vice originel, mais de la mauvaise habitude, qui a prévalu; et par là vous avouez que le libre arbitre peut périr par le mauvais usage ; et vous ne voulez.pas que cette grande faute, plus grande et plus dépravée que toute mauvaise habitude, ait pu vicier le libre arbitre dans.la nature humaine, tout en soutenant qu'une habitude mauvaise peut nous dépraver au point que. l'homme crie qu'il veut le bien, sans pouvoir l'accomplir ! La liberté, au contraire, avec .laquelle a été créé l'homme et l'est encore, est cette immuable volonté par laquelle nous aspirons au bonheur, sans pouvoir y renoncer; mais cette liberté ne suffit point à chacun pour être heureux, ni pour bien vivre, de manière que l 'on acquière le bonheur ; parce que l'homme n'apporte point en naissant cette liberté immuable de volonté, qui lui donne de vouloir et de. pouvoir faire le bien, comme il apporte la volonté du bonheur qui est commune à tous, même à ceux qui ne veulent pas agir avec droiture.

  1. I Cor. XV, 46.

  2. Ambr., lib. de Paradiso.

  3. Apoc. XX, 6.

  4. Jacob, II.

  5. Jean, III, 5.

  6. Ps. XCIII, 11.

  7. Matth. XI, 25.

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Contre la seconde réponse de Julien

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