14. Moyens de vaincre la gourmandise.
La concupiscence de la bouche est le premier ennemi qu'il faut vaincre, et nous devons pour cela nous mortifier non-seulement par les jeûnes, mais par les veilles, les lectures et le regret continuel des fautes où nous nous rappelons être tombés par surprise ou par faiblesse. Nous devons nous exciter tantôt à l'horreur du vice, tantôt au désir de la perfection et de la pureté, jusqu'à ce que notre âme, tout occupée et possédée de ces saintes pensées, ne regarde plus la nourriture comme une jouissance qui lui est accordée, mais comme un fardeau qui lui est imposé, et qu'elle comprenne bien que si elle est nécessaire au corps , elle n'est point désirable pour l'esprit.
Lorsque nous serons dans ces dispositions , nous dompterons l'insolence de la chair, qu'excitent toujours les excès de nourriture. Nous repousserons ces dangereuses attaques, et nous éteindrons cette fournaise ardente que le roi de Babylone allume dans notre corps, en y développant le vice et les occasions de pécher. Nous pourrons éteindre, par l'abondance de nos larmes et les regrets de notre ceeur, ces flammes qui nous brûlent plus que la poix et le bitume , et la grâce de Dieu, qui descendra sur nous comme une douce rosée, apaisera toutes les ardeurs de la concupiscence de la chair.
Ce seront nos premiers combats et comme nos jeux Olympiques. Nous commencerons à vaincre la gourmandise par le désir de la perfection. La contemplation du bien véritable, non-seulement nous fera mépriser les aliments superflus, mais elle nous fera prendre avec crainte ceux qui sont nécessaires à notre corps , parce qu'ils peuvent nuire à la pureté. Nous devons régler toute notre vie, en pensant que le temps qui nous éloigne le plus des choses spirituelles, est celui que nous sommes forcés de donner aux besoins de notre corps. Lorsque nous subissons cette nécessité, faisons-le pour vivre et non pour satisfaire nos désirs, et hâtons-nous de nous y soustraire comme à un obstacle à nos saints exercices.
Nous ne pourrons jamais repousser les tentations de la gourmandise, si notre âme ne trouve pas, en s'appliquant à la contemplation divine, une joie plus grande dans l'amour des vertus et dans la beauté des choses célestes. Celui qui méprise comme périssables les choses présentes et qui regarde sans cesse celles qui sont immuables et éternelles, pourra déjà goûter en lui-même, quoiqu'il soit encore dans une terre fragile, le bonheur qui l'attend au ciel.