40. De deux jeunes solitaires qui se laissent mourir de faim, dans le désert, sans toucher à des figues qu'ils portaient à un malade.
Nous voulions parler de jeûnes et d'abstinence, et nous y avons mêlé quelques exemples de charité; revenons maintenant à notre sujet, et racontons l'histoire remarquable de deux religieux, qui étaient jeunes d'âge, mais non pas de vertu. Un figuier avait porté des fruits dans une partie de la Libye, et comme c'était une chose qu'on n'y avait jamais vue, quelqu'un offrit ces figues qu'il admirait à l'abbé Jean, économe d'un monastère du désert de Schethé, où le bienheureux Paphnuce lui avait confié l'administration des biens temporels de la communauté. L'abbé Jean s'empressa d'envoyer ces fruits à un vieillard qui était malade dans une partie très-éloignée du désert, et il les confia à deux jeunes gens. Ils avaient au moins dix-huit milles à faire. Ils se hâtaient d'obéir, lorsqu'un épais brouillard leur fit perdre le chemin qu'ils devaient suivre; ce qui, dans cet endroit, arrive facilement aux plus anciens solitaires. Ils errèrent pendant tout le jour et toute la nuit dans cette immense solitude, sans pouvoir trouver la cellule du malade, et bientôt épuisés de fatigue, de faim et de soif, ils tombèrent à genoux et rendirent leur âme à Dieu, en lui adressant des prières. On les chercha longtemps à la trace de leurs pas, qui étaient imprimés sur le sable comme sur la neige, ce qui arrive dans ces lieux jusqu'à ce que le vent, même le plus léger, couvre de poussière les empreintes. On les trouva auprès des figues telles qu'ils les avaient reçues; ils étaient morts avant d'y toucher, aimant mieux perdre la vie que de violer en la moindre chose l'ordre de leur supérieur.