3. Utilité des penchants naturels.
Ne voyons-nous pas les premiers mouvements de la chair se manifester dans les enfants qui, non-seulement ne connaissent pas encore le bien et le mal, mais qui sont même à la mamelle? Ces innocents éprouvent déjà les prémices de la concupiscence, et montrent que ces excitations sont inhérentes à leur nature. Ne voyons-nous pas aussi la colère agiter les petits enfants avant qu'ils puissent savoir ce que c'est que la patience? ne sont-ils pas troublés par les injures, et trop sensibles aux paroles qu'on leur dit en riant et aux reproches qu'on leur adresse? Souvent même , quoique les forces leur manquent, ne veulent-ils pas se venger et satisfaire leur colère?
Je ne dis pas cela pour accuser la nature; mais je ferai remarquer seulement que parmi les mouvements qui sont en nous, les uns peuvent y être mis pour notre bien, les autres peuvent nous venir du dehors par la faute de notre négligence ou de notre volonté coupable. Car les mouvements de la chair, dont j'ai parlé, ont été mis en nous par la providence du Créateur pour servir à la propagation du genre humain, mais non pas pour commettre les crimes et les adultères, que la loi de Dieu condamne. Les mouvements de la colère peuvent aussi nous être utiles , si nous les tournons contre nos vices et nos erreurs, pour mieux nous appliquer ensuite à la pratique des vertus et aux exercices spirituels, en témoignant plus d'amour pour Dieu et de patience pour nos frères. La tristesse a aussi son utilité , quoiqu'elle soit comptée parmi les vices, quand elle s'égare dans son objet. La tristesse qui vient de la crainte de Dieu est aussi nécessaire que celle qui vient du monde est nuisible. L'Apôtre nous l'apprend : « La tristesse qui est selon Dieu, dit-il, fait faire pénitence et assure le salut; mais la tristesse du monde cause la mort. » (II. Cor., VII, 10.)