16. Comment ceux qui ne veulent pas se dépouiller de leurs biens colorent leur avarice.
Il y en a qui cherchent à justifier leur retour à l'avarice par l'autorité de la sainte Écriture; ils interprètent mal les paroles de l'Apôtre ou plutôt de Notre-Seigneur; ils les altèrent et les plient à leurs désirs , parce que ce n'est pas leur vie et leur esprit qu'ils veulent soumettre aux sens de l'Écriture, c'est la vérité qu'ils voudraient violenter pour servir leur passion et prouver leurs erreurs. Ils disent qu'il est écrit : « Il est plus heureux de donner que de recevoir. » (Act., XX, 35.) Et ils s'imaginent, par une interprétation coupable , affaiblir cette parole du Christ : « Si vous voulez être parfait, allez, vendez tout ce que vous avez, donnez-en le prix aux pauvres, et vous aurez un trésor dans le ciel : venez ensuite et suivez-moi. » (S. Matth., XIX, 21.) Ils prétendent, sous ce prétexte, qu'ils ne doivent pas abandonner leurs richesses, puisqu'ils seront plus heureux de se servir de leurs biens pour soulager les autres de leur superflu. Ils rougissent d'embrasser avec l'Apôtre une pauvreté glorieuse pour l'amour du Christ, et ils ne veulent pas se contenter du travail de leurs mains et de la vie simple du monastère. Leur seule chance de salut est de reconnaître qu'ils se trompent eux-mêmes et qu'ils ne renoncent pas au monde , tant qu'ils restent attachés à leurs biens. S'ils désirent réellement et sincèrement pratiquer la vie religieuse, ils doivent tout rejeter et mépriser sans rien réserver de ce qu'ils ont abandonné, pour pouvoir se glorifier, comme l'Apôtre, dans la faim et la soif, dans le froid et la nudité. (II Cor., XI, 27.)