17. Du renoncement des Apôtres et des premiers chrétiens.
Saint Paul ne pouvait-il pas vivre de ses anciens biens, puisqu'il prouve qu'il n'avait pas une position obscure dans le monde, en déclarant que, par sa naissance, il avait l'honneur d'être citoyen romain (Act., XXII, 27 )? et il l'eût fait s'il l'eut jugé plus facile pour arriver à la perfection.
Ceux qui, à Jérusalem , possédaient des champs , des maisons, les vendaient et en apportaient le prix aux pieds des disciples, sans rien se réserver (Act., IV, 34) ; ne pouvaient-ils pas subvenir eux-mêmes à leurs besoins, s'ils n'avaient jugé plus parfait le contraire, et s'ils ne l'avaient trouvé plus utile par leur propre expérience. Ils préféraient renoncer à tout et ne plus vivre que de leur travail et des aumônes étrangères. Saint Paul, en écrivant aux Romains , leur parle de ces aumônes qu'il est chargé de recueillir, et il provoque adroitement leur générosité, en disant : « Je vais maintenant à Jérusalem pour assister les saints ; car ceux de Macédoine et d'Achaïe ont bien voulu faire une quête pour les saints de Jérusalem qui sont pauvres. Ils l'ont fait avec empressement, et c'était justice. Les nations qui ont eu part à leurs richesses spirituelles, ne doivent-elles pas les secourir dans leurs besoins temporels? » (Rom., XV, 26.)
Et lorsqu'il écrit aux Corinthiens il leur témoigne la même sollicitude pour les pauvres, et il les avertit de préparer, avant son arrivée, les aumônes qu'il désire leur envoyer : « Quant aux aumônes qu'on recueille pour les saints, faites ce que j'ai ordonné aux églises de Galatie. Que chacun de vous mette à part, le premier jour de la semaine, ce qu'il voudra bien donner, afin qu'on n'attende pas mon arrivée pour faire la quête. Et, lorsque je serai venu, j'enverrai, avec des lettres de recommandation , ceux que vous aurez choisis porter vos charités à Jérusalem. » (I Cor., XVI,1.) Et, pour que la quête soit plus abondante , il ajoute : « Si la chose mérite que j'y aille moi-même, ils viendront avec moi. » C'est-à-dire si vos offrandes sont assez considérables pour que je doive les accompagner. Dans son Épître aux Galates, lorsqu'il partageait avec les Apôtres le ministère de la prédication , il déclare qu'il a promis à Jacques, à Pierre et à Jean, de ne jamais, tout en prêchant les gentils, abandonner le soin des pauvres qui étaient à Jérusalem et qui avaient renoncé à tous leurs biens, à cause du Christ, pour embrasser la pauvreté volontaire. « Et comme ils voyaient, dit-il, la grâce de Dieu qui m'était accordée, Jacques, Pierre et Jean, qui semblaient les colonnes de l'Église, nous donnèrent la main à Barnabé et à moi en signe d'union, et il fut convenu que nous prêcherions les gentils et qu'ils prêcheraient les circoncis. Ils nous recommandèrent seulement de ne pas oublier les pauvres, ce que j'ai eu grand soin de faire. » (Gal., II, 9.)
Quels étaient les plus heureux ceux qui, parmi les gentils, ne pouvaient atteindre la perfection , qui restaient attachés à leurs biens , et sur lesquels l'Apôtre croyait avoir beaucoup gagné, s'ils s'éloignaient du culte des idoles, de la fornication , du sang et de la chair étouffée, et s'ils croyaient au Christ, en gardant leurs richesses, ou bien ceux qui, pour obéir à l'Évangile, portaient chaque jour la croix du Maître, et ne voulaient rien garder de ce qu'ils possédaient?
Le bienheureux Apôtre lui-même, souvent empêché par les chaînes, la prison et les voyages de pourvoir à ses besoins, comme il en avait l'habitude, par le travail de ses mains, déclare qu'il a reçu des frères de Macédoine ce qui lui était nécessaire : « Les frères qui sont venus de Macédoine, ont pourvu à ce qui me manquait. » (II Cor., XI, 9.) Il écrit aussi aux Philippiens : « Vous savez, mes frères, qu'au commencement de ma prédication, lorsque je suis parti de Macédoine, nulle autre église ne m'a fait part de ses biens, et c'est vous seuls qui m'avez envoyé deux fois, à Thessalonique, ce dont j'avais besoin. » (Philip., IV, 1.5.) Les coeurs lâches qui interprètent si mal l'Écriture, croiront-ils que ces peuples étaient plus heureux que saint Paul, parce qu'ils l'assistaient de leurs biens? Quelqu'un serait-il assez déraisonnable pour oser le dire ?