5.
Enfin , après avoir passé une grande rivière, nous arrivâmes dans le désert le plus reculé de tous, où ayant reçu commandement, selon la coutume de cette nation, d'adorer la femme et les enfants de notre maître, nous nous prosternâmes devant eux. Ainsi, étant comme en prison, et ayant changé d'habits, c'est-à-dire étant réduit à aller tout nu, j'appris à marcher de la sorte ; et il est vrai que les chaleurs excessives de ce climat ne permettent de couvrir aucune partie du corps que celles qu'il serait honteux de ne point cacher. On me donna la charge d'un troupeau de brebis, et, à comparaison de mes autres maux, cette occupation me consolait lorsque je pensais qu'elle était cause que je voyais plus rarement mes maîtres et les autres esclaves. II me semblait aussi que j'avais en cela quelque conformité avec Jacob et avec Moïse, qui ont été autrefois pasteurs de brebis dans le désert. Je vivais de lait et de fromages ; je priais souvent; je chantais des psaumes que j'avais appris dans le monastère. Ma captivité me donnait de la joie, et je rendais grâces à Dieu de son juste jugement, qui me faisait trouver dans le désert la solitude que j'aurais perdue en mon pays.
