XII.
L'esprit de Dieu étant descendu du ciel, choisit une vierge dans le sein de laquelle il se répandit ; elle conçut aussitôt sans avoir jamais connu aucun homme. Que personne ne s'étonne de ce que nous disons qu'une vierge est devenue enceinte par l'opération de l'esprit de Dieu, à qui tout ce qu'il veut faire est aisé, puisque quelques animaux ont la coutume de concevoir de l'air ou du vent. Cela pourrait néanmoins paraître incroyable, s'il n'eût été prédit longtemps auparavant par les prophètes. Salomon dit dans le dix-neuvième cantique : « Le sein de la Vierge a reçu la fécondité et le fruit; la Vierge est devenue mère par une grande miséricorde ? » Le prophète Isaïe dit : « C'est pourquoi le Seigneur vous donnera un signe ; une vierge concevra, et elle enfantera un fils qui sera appelé Emmanuel. » Que peut-on dire de plus clair ? Les Juifs, qui ne l'ont point voulu reconnaître, ont lu ces prophéties. Si quelqu'un s'imagine que nous les avons faites a plaisir, qu'il les leur demande, et qu'il consulte leurs livres: il n'y a point de si fort témoignage pour établir la vérité que celui que l'on tire de ses propres ennemis. Il n'a jamais été appelé Emmanuel, mais Jésus, qui signifie salutaire ou sauveur parce qu'il est venu sauver tous les peuples. Le prophète a seulement eu l'intention de marquer, par ce terme d'Emmanuel, que Dieu devait prendre un corps et converser avec les hommes; car Emmanuel signifie : Dieu est avec nous. Depuis en effet que Dieu était né d'une vierge, les hommes devaient reconnaître qu'il était avec eux, qu'il vivait sur la terre et dans une chair mortelle : c'est sur ce sujet que David a dit : « La vérité germera de la terre. » Dieu dans qui la vérité est renfermée, a tiré un corps de la terre pour montrer le chemin du salut aux hommes qui sont sur la terre. Isaïe en parle en ces termes: « Ils ont irrité sa colère; ils ont affligé l'Esprit saint; il est devenu leur ennemi, et il les a lui-même détruits. Il s'est souvenu des siècles anciens, et a suscité le pasteur de son troupeau. »
Il déclare en un autre endroit quel est ce pasteur, en disant: a Cieux, envoyez d'en haut votre rosée, et que les nuées fassent descendre le juste comme une pluie; que la terre s'ouvre et qu'elle germe le Sauveur, et que la justice naisse en même temps ; je suis le Seigneur qui l'ai créé. » Le sauveur, c'est Jésus, comme je l'ai déjà dit. Le même prophète a parlé dans un autre endroit de cette manière: " On petit enfant nous est né, et un fils nous a été donné ; il portera sur son épaule la marque de sa principauté, et il sera appelé l'ange du grand conseil. Il a été envoyé par son père, pour révéler à toutes les nations qui sont sous le ciel le mystère et l'unité d'un Dieu, qui a été celé au peuple perfide et ingrat qui s'est rendu si souvent criminel. » Daniel a prédit quelque chose de semblable: « J'avais, dit-il, une vision durant la nuit, et je voyais sur les nué et du ciel comme le Fils de l'homme qui s'avançait, et il arriva jusqu'à l'ancien des jours. Ceux qui étaient présents le lui présentèrent; et l'honneur, le royaume et l'empire lui furent donnés; et tous les peuples, toutes les langues et toutes les tribus le suivirent. Sa puissance sera éternelle et ne passera point; son règne n'aura point de fin. » Comment est-ce que les Juifs avouent qu'il y aura un oint ou seigneur, et comment est-ce qu'ils espèrent qu'il viendra, puisqu'ils ont refusé de le reconnaître pour Messie, sous prétexte qu'il était né d'une femme? Dieu, ayant résolu que le Messie descendrait deux fois sur la terre, une fois pour annoncer son nom aux nations, et une autre fois pour les gouverner avec une autorité absolue, pourquoi croient-ils le second avènement, et ne croient-ils pas le premier? Le prophète a marqué les deux avènements en peu de paroles, quand il a dit : « Qu'il s'avancerait sur les nuées non comme le Fils de Dieu, mais comme le Fils de l'homme. « Il a dit qu'il devait prendre sur la terre la forme et la condition d'un homme, afin d'enseigner la justice aux hommes, pour subir la mort, descendre aux enfers, les ouvrir, ressusciter, s'élever au-dessus des nues, et retourner à son père. Quand le prophète a dit qu'il est parvenu jusqu'à l'ancien des jours, et qu'il lui a été offert, il a entendu par l'ancien des jours, Dieu qui est seul avant tous les siècles, et qui sera éternellement. Le prophète David déclare expressément dans le psaume cent neuvième : qu'après que le Christ aura souffert la mort et qu'il sera ressuscité, il montera à son père. Voici ses paroles : « Le Seigneur a dit à mon seigneur, asseyez-vous à ma droite jusqu'à ce que j'aie réduit vos ennemis à être foulés sous vos pieds. » David, qui était roi, aurait-il pu appeler son seigneur un autre que le Christ et que le Fils de Dieu, qui est le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs ? Isaïe en parle encore plus clairement: « Voici, dit-il, ce que dit le Seigneur au seigneur qui est mon Christ, que j'ai pris par la main pour lui assujettir les nations, pour mettre les rois en fuite, pour ouvrir devant lui toutes les portes sans qu'aucune lui soit fermée. Je marcherai devant vous, j'humilierai les grands de la terre, je romprai les portes d'airain, et je briserai les gonds de fer, je vous donnerai les trésors cachés et les richesses secrètes et inconnues, afin que vous sachiez que je suis le Seigneur, le Dieu d'Israël qui vous a appelé par votre nom. Enfin l'honneur et l'empire lui ont été donnés en vue de la puissance et de la félicité que Dieu a fait paraître sur la terre, et toutes les tribus, et toutes les langues le serviront; son pouvoir ne passera point et son règne n'aura point de fin. » Ces paroles peuvent être entendues de deux manières : l'une est que Jésus-Christ possède un grand pouvoir dès ce temps-ci, puisque tous les peuples révèrent son nom, reconnaissent sa grandeur, suivent sa doctrine, et imitent sa vertu. Il jouit déjà de l'honneur et de l'empire, puisque toutes les tribus obéissent à ses commandements. L'autre manière d'expliquer ces paroles est de dire qu'il possédera véritablement l'empire de l'univers, lorsqu'il viendra une seconde fois environné de gloire et de majesté pour réduire tous les peuples à son obéissance, pour juger tous les hommes et pour ressusciter tous les justes. Toute sorte de mal étant alors ôté de dessus la terre, on verra un siècle d'or, comme disent les poètes, c'est-à-dire un temps où la justice et la paix régneront. J'expliquerai toutes ces choses plus au long dans le dernier livre de cet ouvrage où je parlerai du second avènement du Messie ; mais j'achèverai maintenant ce que j'avais commencé à dire touchant le premier.
