XV.
Quelles raisons apporterons-nous de la manière dont se forme la parole? Les grammairiens et les philosophes disent que ce n’est rien autre chose qu’un air agité, et que c’est de cette verbération que vient le nom de verbum que les Latins lui ont donné. Mais leur sentiment est évidemment contraire à la vérité, puisque la voix se forme dans la bouche et non dehors. Il est donc plus vraisemblable que le son de la voix est produit par un air épaissi qui rencontre et qui frappe le fond de la bouche. Quand nous appliquons nos lèvres au bout d’un chalumeau et que nous soufflons dedans, le souffle repoussé et renvoyé en haut par le fond de la bouche produit un son; c’est peut-être de cette manière que la voix se forme dans la bouche. Il faut pourtant avouer qu’il n’y a que celui qui en est l’auteur qui le sache. En effet, la voix semble moins venir de la bouche que de l’estomac. La bouche même étant formée, on peut pousser quelque son par le nez. De plus, nous pouvons respirer fortement, en attirant et en repoussant une grande quantité d’air sans que nous proférions pour cela une parole, et nous parlons au contraire quand il nous plaît, en attirant une très petite quantité d’air. On ne sait donc point au vrai ce que c’est que la voix ni comment elle se forme. Je ne tombe pas pour cela dans l’excès des académiciens, car je ne doute point qu’il n’y ait des choses que l’on peut savoir. Il y en a que Dieu a mises au-dessus de nous et dont il ne nous s accordé aucune connaissance, et d’autres qu’il a laissées exposées à nos sens et à notre raison. Nous disputerons fort au long contre les philosophes dans un autre lieu,1 mais achevons maintenant ce que nous avons commencé.
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Dans ses Institutions divines à la composition desquelles il se préparait alors. ↩