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Comment doit-on entendre ces paroles de l'apôtre saint ,Paul dans sa première épître aux Thessaloniciens : « Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même en toute manière, afin que tout ce qui est en vous, l'esprit, l’âme et le corps, se conservent sans tache pour l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ? »
Quoique cette question soit très fameuse, il faut néanmoins l'expliquer en peu de mots. Saint Paul avait dit un peu auparavant : « N'éteignez pas l'esprit. » Si nous comprenons bien le véritable sens de ces paroles, nous comprendrons en même temps quel est cet esprit que nous devons conserver sans tache avec l'âme et le corps pour le jour de l’avènement du Seigneur; » car qui pourrait croire que le Saint-Esprit puisse s'éteindre comme une flamme, qui étant éteinte cesse d'être ce qu'elle était ? qui pourrait s'imaginer qu'on puisse détruire cet Esprit saint, qui dans l'ancienne loi disait par la bouche d’Isaïe, de Jérémie et des autres prophètes: « Voici ce que dit le Seigneur, » et qui dans la nouvelle a dit par le prophète Agabus: « Voici ce que dit le Saint-Esprit. » Il y a plusieurs sortes de dons spirituels, mais il n'y a qu'un même Esprit ; il y a plusieurs sortes de ministères, mais il n'y a qu'un même Seigneur; il y a plusieurs sortes d'opérations surnaturelles, mais il n'y a qu'un même Dieu qui opère tout en tous. Or les dons du Saint-Esprit qui se font connaître au dehors sont donnés à chacun pour l'utilité de l'Eglise : l'un reçoit du Saint-Esprit le don de parler dans une autre sagesse ; un autre reçoit du même Esprit le don de parler avec science; un autre reçoit la foi par le même Esprit, un autre le don de faire des miracles; un autre reçoit du même Esprit la grâce de guérir les maladies, un autre le don de prophétie, un autre le discernement des esprits. Or c'est un seul et même Esprit qui opère toutes ces choses, distribuant ces dons à un chacun selon qu'il lui plait. » C'était cet Esprit dont David appréhendait d'être privé lorsqu'il disait à Dieu: « Ne retirez pas de moi votre Esprit saint. » Quand Dieu le retire, cet Esprit, il ne l'éteint pas quant à sa substance, mais il l’éteint pour les âmes qu'il prive de sa lumière. Pour moi, je crois que par ces paroles: « N'éteignez pas l'Esprit, » l'Apôtre veut dire la même chose que par celles-ci: « Conservez-vous dans la ferveur de l’Esprit », car l'Esprit ne s'éteint jamais dans une âme dont la ferveur ne s'est point ralentie par l'habitude du crime ni par les refroidissements d'une charité tiède et languissante.
« Que le Dieu de paix » donc « vous sanctifie en toutes manières » ou, « en toutes choses,» ou plutôt selon la force du texte grec, « vous donne une sainteté pleine et parfaite. » Il l'appelle «Dieu de paix, » parce que nous avons été réconciliés avec lui par Jésus-Christ, « qui est notre paix, qui des deux peuples n’en a fait qu'un, » et qui, comme dit l'Apôtre dans un autre endroit, est la paix de Dieu qui surpasse tout sentiment, qui garde les cœurs et les pensées des saints. » Or celui qui a été sanctifié, et qui est parfait en toutes choses, conserve « son esprit, son âme on corps sans tache pour le jour de l'avènement du Seigneur; » son corps s'il emploie membres aux usages auxquels ils sont destinés, s’il se sert par exemple de ses mains pour travailler, de ses pieds pour marcher, de ses yeux pour voir, de ses oreilles pour entendre, de ses dents pour manger, de son estomac pour digérer les viandes, de son ventre pour se décharger des superfluités de la nature, vu si tous les membres de son corps sont entiers et parfaits. Mais est-il croyable que saint Paul fasse des vœux au ciel pour que Jésus-Christ, au jour du jugement, trouve les corps des fidèles en leur entier? la mort ne les réduira-t-elle pas tous en poussière? ou s'il s'en trouve encore quelques-uns, comme certains auteurs le prétendent, qui soient encore vivants et animés , n'auront-ils pas toujours quelque chose de défectueux, particulièrement les corps des martyrs et de ceux à qui l'on aura arraché les yeux ou coupé le nez et les mains pour la cause de Jésus-Christ ? Ce que l'Apôtre donc entend par un « corps entier » est celui comme je l’ai dit déjà ailleurs, « qui, demeurant attaché à la tête et au chef qui unit et lie toutes les parties de et corps, s'entretient et s'augmente pour l'administration du corps de Jésus-Christ.» Or ce corps n'est autre que l’Eglise, et quiconque aura une union étroite avec le chef de ce corps et avec tous les autres membres qui le composent conservera son corps tout entier, autant que la fragilité humaine le peut permettre. C'est de la sorte qu'on doit conserver l'intégrité de l'âme, qui peut dire : « Bénissez, mon âme, le Seigneur qui guérit toutes vos infirmités, » et dont il est écrit : « Il a envoyé sa parole, et il les a guéris. » Nous conservons aussi l'intégrité de l'esprit lorsque nous ne nous égarons point dans les choses spirituelles ; que nous vivons de l'esprit ; que nous suivons avec docilité les mouvements et les impressions de l'esprit; que nous mortifions par l’esprit les œuvres, de la chair, et que nous produisons les fruits de l’esprit, je veux dire: la charité, la joie, la paix, etc.