5.
« Cependant les fidèles de Thessalonique, qui ignoraient le mystère de la résurrection, donnaient dans ces sortes de visions; et incertains qu'ils étaient de leur destinée et pleins de ces chimères , ils disaient : « Puisque saint Paul doit vivre jusqu'à la fin du monde, il faut que le jour du jugement soit proche. » C'est pourquoi cet apôtre, dans la seconde lettre qu'il leur écrivit, tâche de les faire revenir de leurs préjugés. « Nous vous conjurons, mes frères, » leur dit-il, par l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ et par notre réunion avec lui, de ne vous laisser pas légèrement ébranler dans votre premier sentiment, et de ne vous pas troubler en croyant, sur la foi de quelque prophétie ou sur quelque discours ou quelque lettre que l'on supposerait venir de nous, que le jour du Seigneur soit près d'arriver. Que personne ne vous séduise en quelque manière que ce soit, car il ne viendra point que la révolte et l'apostasie ne soient arrivées auparavant, et qu'on n'ait vu paraître cet homme de péché qui doit périr misérablement ; cet ennemi de Dieu qui s'élèvera au-dessus de tout ce qui est appelé Dieu ou qui est adoré, jusqu'à s'asseoir dans le temple de Dieu, voulant lui-même passer pour Dieu. Ne vous souvient-il pas que je vous ai dit ces choses lorsque j'étais encore avec vous? » Saint Paul ne leur parle de la sorte que pour les détromper, et pour les empêcher d'expliquer dans un mauvais sens et contre son intention ces paroles de la première épître qu'il leur avait écrite : « Nous qui vivons, et qui sommes réservés pour l'avènement du Seigneur, nous ne préviendrons point ceux qui sont déjà dans le sommeil de la mort; » car il n'y a pas d'apparence que cet apôtre se flattât de vivre éternellement dans un corps mortel, d'être affranchi des lois de la mort, et de passer tout à coup et sans mourir de cette vie au royaume du ciel, lui qui dans son épître à Timothée avait dit : « Car pour moi je suis sur le point d'être sacrifié, et le temps de ma mort s'approche; » ce qu'il répète dans son épître aux Romains: « Qui me délivrera, » dit-il, « de ce corps de mort? »et aux Corinthiens : « Pendant que nous habitons dans ce corps, nous sommes éloignés du Seigneur . et hors de notre patrie : or nous aimons mieux sortir de la maison de ce corps, pour aller habiter avec le Seigneur. » Cet apôtre ne pouvait parler de la sorte sans être persuadé qu'il devait mourir un jour. Il vaut donc mieux expliquer ce passage dans un sens spirituel, et entendre par ce sommeil dont parle saint Paul, non pas la mort naturelle qui sépare l'âme d'avec le corps, mais les péchés que l'on commet après avoir reçu la foi de Jésus-Christ, et ce sommeil fatal où l'on se plonge après le baptême, selon ce que dit le même apôtre dans son épître aux fidèles de Corinthe : «C'est pour cette raison qu'il y a parmi vous beaucoup de malades et de languissants, et que plusieurs dorment du sommeil de la mort; » et dans un autre endroit: « Ceux qui sont morts en Jésus-Christ ont donc péri sans ressource? » car quoiqu'ils soient morts, cependant ils ne périront point éternellement, parce qu'ils ne sont point coupables de péchés mortels mais seulement de quelques fautes légères. C'est ce qui faisait dire à un autre saint: « Eclairez mes yeux, Seigneur, afin que je ne m'endorme jamais dans la mort; » car il y a un sommeil où nous plonge le péché et qui conduit à la mort, et un assoupissement causé aussi parle péché mais qui n'a rien de funeste et de mortel. Ceux donc qui vivent de celui qui dit : « Je suis la vie » (car « notre vie est cachée en Dieu avec Jésus-Christ ,) et qui, toujours étroitement unis à lui, ne commettront aucun péché qui leur donne la mort, ceux-là seront du nombre des vivants, dont le Sauveur dit dans l'Evangile de saint Jean: « Celui qui croit en moi ne mourra point ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra point à jamais. » C'est à l'exemple de ce divin Sauveur, et en suivant ses maximes, que saint Paul dit à ses disciples : « Nous ne dormirons pas tous; » car celui qui s'appliquera avec tout le soin possible à la garde de son; coeur et qui, toujours attentif aux commandements de Jésus-Christ, se souviendra de ce qu'il dit à ses apôtres : Veillez, parce que vous ne savez pas à quelle heure le voleur doit venir ; » et de cette maxime du sage: « Ne laissez point aller vos yeux au sommeil et que vos paupières ne s'assoupissent point, afin que vous puissiez vous échapper du piège comme la chèvre et vous sauver des filets comme l'oiseau; » celui, dis-je, qui vivra de la sorte, ne dormira point du sommeil de la mort.
« Comme il y en a donc qui ne dorment point, qui veillent sans cesse, et qui sont toujours vivants en Jésus-Christ , il s'ensuit que « tous ne dormiront point, » et qu'au contraire « tous seront changés; » non pas pour être couronnés de gloire, ce qui n'appartient qu'aux saints, mais pour passer de la corruption à un état incorruptible, dans lequel les uns jouiront d'un bonheur qui ne finira jamais et les autres seront condamnés à des peines éternelles. Que s'il se trouve quelqu'un qui par sa négligence à remplir ses devoirs tombe dans la langueur et dans l'assoupissement, on peut lui appliquer ce que dit le prophète : « Celui qui dort ne pourra-t-il donc pas ressusciter? » mais s'il ne dort point, et si par une attention continuelle sur lui-même il est toujours vivant en Jésus-Christ, alors il passera de cette vie à une plus heureuse, et sera emporté dans les nuées pour vivre toujours avec le Seigneur. Tel était Lazare dont le Sauveur dit: « Notre ami Lazare dort; » et c'est de ce sommeil qu'il voulait parler lorsqu'il disait à Marthe: « Celui qui croit en moi, quand il serait mort, vivra; et quiconque vit et croit en moi ne mourra point à jamais. » En effet si celui qui met toute son espérance en Jésus-Christ vient à tomber par faiblesse et à mourir dans le péché, il ne laissera pas de vivre, et sa foi sera pour lui la source et le principe d'une vie éternelle. Mais pour ce qui est de cette mort qui est commune à tous les hommes, les fidèles et les Infidèles y seront également sujets, et tous ressusciteront, les uns pour être couverts d'une confusion éternelle, et les autres _ pour être couronnés d'une gloire immortelle qu'ils auront méritée par leur foi. Ainsi Ion peut dire que celui qui croit en Jésus-Christ ne mourra point, et qu'il vivra éternellement quand bien même il serait mort, mais de cette mort corporelle dont personne n'a été exempt, si l'on en excepte Enoch et Elie.