A L'ÉPOUSE DU GÉNÉRAL ARINTHÉE. CCLXIX—CLXXXVI.
Arinthée, grand général ,venait de mourir: saint Basile écrit à la veuve à laquelle il offre les plus grands motifs de consolation , en mêle temps qu'il fait un bel éloge de l'illustre époux qu'elle avait eu le malheur de perdre.
IL eût été à propos dans l'état où vous êtes que j'eusse été présent, afin de partager avec vous la perte que vous venez d'essuyer. Par-là, j'aurais adouci mes chagrins, et j'aurais rempli à votre égard l'office de consolateur. Mais comme je suis trop faible pour supporter la fatigue d'un long voyage, je m'entretiens avec vous par lettre, pour que vous ne me jugiez pas étranger à vos peines. Qui est-ce qui n'a pas gémi sur la mort de votre époux ? quel coeur assez dur pourrait s'empêcher de pleurer amèrement la perte d'un aussi grand homme ? Pour moi, elle me pénètre d'une douleur particulière, lorsque je me rappelle les égards dont il m'honorait, et la protection qu'il accore doit aux Eglises. Cependant je fais réflexion qu'il était homme , et qu'après avoir fourni sa carrière, il a été rappelé par le souverain Modérateur des choses humaines dans le temps que ses décrets avaient marqué. Je vous exhorte à vous consoler par cette même pensée, et à vous en servir pour supporter votre affliction avec courage. Le temps peut ralentir votre douleur ; mais la tendresse que vous aviez pour votre époux, et votre coeur naturellement bon et sensible, nie font craindre que vous ne vous abandonniez trop à la tristesse , que cette tristesse ne fasse en vous des blessures trop profondes. Les maximes de l'Ecriture sont utiles dans toutes les circonstances, et principalement dans des occasions pareilles. Rappelez-vous donc la sentence que le Créateur a prononcée contre nous ( Gen. 3. 19. ), laquelle nous condamne à retourner dans la terre nous qui sommes tous sortis de la terre, sans qu'on puisse, quelque grand qu'on soit, se mettre au-dessus de cette loi de dissolution. Votre époux était aussi admirable par les qualités de l’âme que par les forces du corps, qui répondaient parfaitement à ses vertus. Il ne le cédait à personne dans ces deux parties ; mais enfin il était homme , et il est mort aussi bien qu'Adam, qu'Abel, que Noé, qu'Abraham, que Moïse, que tant d'autres qui participaient à la même nature. Il ne faut donc point nous affliger outre mesure parce qu'il nous a été enlevé, mais remercier Dieu de la grâce qu'il nous a faite de vivre avec lui. Avoir perdu votre époux, cela volis est commun avec toutes les femmes ; mais je ne crois pas qu'une seule pût se vanter d'avoir été unie à un homme tel que le vôtre. Il semblait que Dieu l'eût fait naître pour servir de modèle au genre humain. Tous les yetis se réunissaient sur lui, toutes les bouches s'ouvraient pour le louer. Les peintres et les statuaires ne pouvaient atteindre à la dignité de ses traits. Les historiens qui racontent ses actions guerrières tombent dans le merveilleux de la fable. Plusieurs ne sauraient encore ajouter foi au bruit qui a répandu une triste nouvelle ; ils ne peuvent se persuader qu'Arinthée ne soit plus. Mais il est passé, cet illustre personnage , comme le ciel, le soleil et la terre passeront. Il est mort glorieusement, n'étant pas encore affaissé par l'âge et n'ayant rien perdu de sa célébrité. Il était grand dans ce monde, il est grand dans l'autre, et la gloire présente chez lui n'a fait aucun tort à la gloire future, parce qu'en mourant il a effacé les taches de son âme dans le bain de la régénération. C'est pour vous un grand motif de consolation de ce que vous ayez tant contribué à lui procurer cette grâce. Détachez-vous des choses temporelles pour rie penser qu'aux éternelles, afin de mériter par vos bonnes oeuvres d'obtenir le même lieu de repos. Conservez-vous pour une mère âgée et pour une fille encore jeune, qui n'ont que vous seule pour consolation. Soyez pour les autres femmes un modèle de force ; modérez tellement votre douleur, que, sans la bannir de votre âme, vous ne vous y laissiez pas abattre. Songez à la récompense magnifique dont le Fils de Dieu a promis de payer notre patience, lorsqu'il viendra nous récompenser des bonnes oeuvres que nous aurons faites pendant notre vie.