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Voyez-vous comme il ne dit rien de trop? Pourtant il pouvait parler du inonde entier, des nations barbares, de la terre, de la mer; il n'en dit pas un mot, et prouve sa thèse victorieusement, surabondamment et comme en passant. A quoi bon, dit-il, produire des arguments superflus, quand ceci suffit pour le sujet actuel ? Je ne cite point des succès obtenus chez d'autres; vous avez été témoins de ceux dont je parle. En sorte que n'eusse-je eu ailleurs aucun droit de recevoir, du moins je l'aurais eu chez vous. Et pourtant je n'ai rien reçu de ceux chez qui j'avais le plus droit de recevoir (car j'ai été votre maître). « Si pour d'autres je ne suis pas apôtre , je le suis cependant pour vous». De nouveau il parle en abrégé ; car il était l'apôtre du monde entier. Et pourtant, dit-il, je n'en parle pas, je ne conteste pas, je ne réclame pas : je parle de ce qui vous concerne. « Vous êtes le sceau de mon apostolat », c'est-à-dire la preuve. Si quelqu'un veut savoir mon titre à l'apostolat, je vous nomme ; chez vous j'ai donné tous les signes de l'apostolat, sans en omettre aucun c'est ce qu'il répète dans sa seconde épître « Quoique je ne sois rien, les marques de mon apostolat ont été empreintes sur vous par une patience à l'épreuve de tout, par des miracles , des prodiges et des vertus ». (II Cor. XII, 11, 12.) Qu'avez-vous eu de moins que les autres églises? Aussi dit-il : « Vous êtes le sceau de mon apostolat ». Car je vous ai fait voir des signes, je vous ai instruits par la parole, j'ai couru des dangers, j’ai mené une vie irréprochable. On peut voir tout cela dans ces deux épîtres, où il leur explique ces choses dans le plus grand détail.
« Ma défense contre ceux qui m'interrogent, la voici ». Qu'est-ce que cela veut dire : «Ma défense contre ceux qui m'interrogent, la voici ? » A ceux qui veulent savoir comment je suis apôtre, ou à ceux qui m'accusent d'avoir reçu de l'argent, ou à ceux qui rue demandent pourquoi je n'en reçois pas, ou à ceux qui (428) veulent prouver que je ne suis point apôtre à tous ceux-là je donne pour preuve et pour justification l'instruction que vous avez reçue et les choses que je vais dire. Et quelles sont ces choses? « N'avons-nous pas le pouvoir de manger et de boire? N'avons-nous pas le pouvoir de mener partout avec nous une femme soeur? » Et comment est-ce là une apologie? Parce que quand on me voit m'abstenir de choses permises, il n'est pas juste de me soupçonner d'être un imposteur ou de travailler pour le lucre. Donc ce que j'ai dit plus haut, et l'instruction que vous avez reçue, et ce que je viens de dire tout à l'heure, suffisent à me justifier à vos yeux ; voilà mon point d'appui contre ceux qui m'interrogent; je leur dis cela et ceci encore : « N'avons-nous pas le pouvoir de manger et de boire? N'avons-nous pas le pouvoir de mener partout avec nous une femme soeur? » Et quoique j'en aie le pouvoir, je m'en abstiens. Quoi donc ! Ne mangeait-il pas? Ne buvait-il pas? Souvent certes il ne mangeait ni ne buvait; car il dit : « Nous étions dans la faim et la soif, dans le froid et la nudité ». (IICor. XI, 27.) Ici pourtant il ne le dit pas. Mais que dit-il? Ce que nous mangeons et ce que nous buvons, nous ne le recevons pas de nos disciples, bien que nous en ayons le pouvoir. « N'avons-nous pas le pouvoir de mener partout avec nous une femme soeur, comme les autres apôtres et les frères du Seigneur et Céphas? »
Voyez sa sagesse ! il place en dernier lieu le coryphée, le chef fort entre tous les chefs. II était en effet moins étonnant de voir faire cela aux autres, qu'au premier de tous , à celui à qui ont été confiées les clefs du royaume des cieux. Du reste il ne le cite pas seul, mais tous les autres avec lui, comme pour dire : Cherchez en haut, cherchez en bas, vous trouverez que tous en donnent l'exemple. Car les frères du Seigneur, une fois délivrés de leur incrédulité, avaient pris rang parmi les plus illustres, quoiqu'ils ne fussent point parvenus au rang des apôtres. Aussi les place-t-il au milieu, entre les deux extrêmes. « Ou moi seul et Barnabé n'avons-nous pas le pouvoir de le faire? » Voyez son humilité ! Voyez comme son âme est exempte de jalousie ! Comme il ne passe point sous silence celui qu'il savait partager son zèle ! Sien effet tout le reste nous est commun , pourquoi non ceci encore? Comme eux nous sommes apôtres, nous sommes libres, nous avons vu le Christ, nous avons donné des preuves d'apostolat. Nous avons donc aussi le pouvoir de vivre dans le repos, et d'être nourris par les disciples. « Qui jamais fait la guerre à ses frais? » Après avoir donné, par-la conduite des apôtres, la plus forte preuve qu'il lui est permis d'agir ainsi, il en vint aux exemples, à l'usage commun , comme il a l'habitude de le faire. « Qui jamais fait la guerre à ses frais ? » Considérez comme les exemples qu'il choisit sont bien en rapport avec son sujet; comme il cite d'abord une carrière pleine de périls, la milice, les armes, la guerre. Car voilà ce qu'est l'apostolat et bien plus que cela encore. En effet, ils n'avaient pas seulement à combattre contre les hommes, mais contre les démons et le prince des démons. Son sens est donc: Ce que les rois du monde, bien que cruels et injustes, n'exigent pas, à savoir, que leurs soldats fassent la guerre, courent les dangers et néanmoins subsistent à leurs frais : comment le Christ l'exigerait-il ? Et il ne se borne pas à un seul exemple. Car l'esprit le plus simple et le plus épais est particulièrement satisfait quand il voit la coutume générale s'accorder avec les lois de Dieu.
