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Malgré la douceur, l'humilité que montre partout l'apôtre, ici, ses paroles ont une aspérité que justifie l’absurdité de ses contradicteurs. Il ne se contente pas toutefois de les rudoyer, il emploie des raisonnements, des comparaisons capables de réduire tes disputeurs les plus acharnés. Il dit plus haut: «Ainsi parce que la mort est venu par un homme, c'est aussi par un homme que doit venir la résurrection ». Ici, il résout l'objection des païens. Voyez encore comme il adoucit la dureté de la réprimande. Il ne dit pas, mais vous direz peut-être, il s'adresse à un contradicteur qu'il ne définit pas, de manière que la liberté de son discours ne puisse pas blesser les auditeurs. Maintenant il énonce les deux motifs de doute, le doute relatif au mode de la résurrection, le doute relatif à la qualité des corps. C'étaient là, en effet, les deux points qui troublaient les esprits : comment ressuscite ce qui a été décomposé ? et, « quel sera le corps dans lequel reviendront » les morts? Que signifie, quel sera le corps? Sera-ce le corps qui se sera corrompu , qui aura péri, ou un autre corps quelconque? Ensuite l'apôtre, pour leur montrer que leurs doutes s'attaquent à des vérités incontestables, reconnues de tous, les refoule d'un ton véhément : « Insensé que vous êtes, ne voyez-vous pas que ce que vous semez ne reprend point vie , s'il ne meurt auparavant? » C'est la méthode que l'on suit avec ceux qui contredisent des vérités reconnues. Pourquoi n'invoque-t-il pas tout de suite la puissance de Dieu? C'est qu'il s'adresse à des infidèles. En effet, lorsque c'est aux fidèles qu'il parle, il fait bon marché des raisonnements. Voilà pourquoi il dit ailleurs: « Il transfigurera votre corps, tout vil qu'il est, afin de le rendre conforme à son corps glorieux » (Philip. III, 21), il montre quelque chose de plus que la résurrection, il n'apporte aucun exemple; polir toute démonstration , le pouvoir de Dieu lui suffit, et il le rappelle-en disant : « Par, cette vertu efficace, par laquelle il peut s'assujettir toutes choses», Mais ici, il produit des raisonnements. Car après avoir confirmé la vérité par les textes de l'Ecriture, il ajoute, de l'abondance de son coeur, contre ceux qui ne sont pas encore persuadés par I'Ecriture : « Insensé que vous êtes, ne voyez-vous pas que ce que vous semez ». C'est-à-dire; vous avez sous vos yeux la démonstration de cette vérité , vous la trouvez dans ce que vous faites chaque jour et vous, doutez encore? Si je vous appelle insensé, c'est parce que vous ne voyez pas ce que vous faites vous-même chaque jour, c'est parce que vous êtes vous-même un artisan de résurrection et que vous doutez de la résurrection opérée par Dieu. Voilà pourquoi l'apôtre dit (587) avec éloquence :« Ne voyez-vous pas que ce que vous serrez », vous qui êtes mortel et périssable. Et remarquez l'appropriation de ses expressions au sujet qu'il traite. « Ne reprend point vie », dit-il, « s'il ne meurt auparavant ». L'apôtre abandonne les expressions qui ont trait aux semences, germe, pousse, se gâte, se décompose, il emploie des termes en rapport avec notre chair, ainsi ; « reprend vie », ainsi « meurt »; manières de parler qui ne s'appliquent pas proprement aux semences, mais aux corps. Et il ne dit pas, meurt et vit ensuite, mais, ce qui est plus expressif, ne vit qu'à la condition de mourir. Vous voyez si j'ai raison de vous répéter qu'il prend toujours l'inverse du raisonnement de ses contradicteurs. Ce qu'ils regardaient comme une réfutation de la résurrection, il le prend pour démonstration de cette même résurrection ; ils disaient en effet que le corps ne pouvait pas ressusciter; puisqu'il était mort. Que leur oppose-t-il donc? C’est que précisément s'il ne mourait pas, il ne ressusciterait pas; ce qui fait qu'il ressuscite, c'est qu'il est mort. De même que le Christ, pour démontrer cette vérité, prononce ces paroles : « Si le grain de froment ne meurt après qu'on l'a jeté en terre, il demeure seul; mais, quand il est mort, il porte beaucoup de fruit » (Jean, XII, 24), de même Paul emprunte son exemple aux semences, et il ne. dit pas ; Ne vit pas, mais « ne reprend vie, » ; cette expression prouve encore le pouvoir de Dieu, elle montre que ce n'est pas la force propre de la terre, que c'est, Dieu seul qui fait tout. Et pourquoi ne montre-t-il pas ce qui tenait plus étroitement au sujet , je veux dire la semence humaine? En effet notre génération commence par la corruption , comme celle du froment. C'est quelles deux semences n'ont pas pour le raisonnement, une force égale , celle du froment est bien plus éloquente. Ce que veut l'apôtre, c'est quelque chose qui soit entièrement détruit, il n'y a dans la génération humaine de corruption qu'en partie. Voilà pourquoi c'est la semence du froment qui sert d'exemple. D'ailleurs l'autre , sortie d'un vivant, tombe dans un ventre vivant; mais ici ce n'est pas dans de la chair, mais dans de la terre que la semence tombe , et elle s'y décompose comme le corps, comme le cadavre. Voilà ce qui fait que l'image prise du grain de froment convenait mieux au sujet. « Et quand vous semez, vous ne semez pas le corps qui doit naître (37) ». Tout ce qui précède , concerne le mode de la résurrection ; cette dernière observation répond au doute sur les corps dans lesquels les morts doivent revenir. Or que signifie : « vous ne semez pas le corps qui doit naître? » L'épi entier, le froment nouveau. Ici en effet , le discours ne se rapporte plus à la résurrection même , mais au mode de la résurrection, à la nature du corps qui ressuscitera, à savoir.: s'il ressemblera au corps précédent, ou s'il sera meilleur et plus beau ; et le môme exemple sert à deux fins, l'exemple prouve que le corps ressuscité sera de beaucoup supérieur.
