I.
Je ne doute point, mon frère, qu'après avoir envoyé devant toi ton épouse dans la pax du Seigneur, résolu désormais à posséder la tranquillité de l'âme, tu ne songes à vivre dans la viduité, par conséquent, que tu n'aies besoin de conseils. Quoique, en pareille conjoncture, chacun doive s'interroger soi-même et consulter ses propres forces, comme les nécessités de la chair interviennent dans les délibérations de l'esprit, et résistent dans la même conscience à la foi, celle-ci a besoin de conseils étrangers qui lui servent, pour ainsi dire, d'avocat contre les réclamations de la chair. Il est très-facile d'imposer silence à ces réclamations, si l'on considère la volonté de Dieu plutôt que la condescendance à la chair. On ne se rend point agréable à Dieu en flattant les sens, mais en obéissant à la volonté divine. «Or, la volonté de Dieu, c'est que nous soyons saints.» En effet, il veut que l'homme, créé à son image, devienne sa ressemblance, «afin que nous soyons saints comme il est saint lui-même.» Ce bien, ou en d'autres termes, la sanctification, je le divise en plusieurs degrés, pour que chacun de nous puisse y prendre part. Le premier degré, c'est la virginité conservée depuis la naissance. Le second comprend la virginité qui, depuis la seconde naissance, c'est-à-dire le baptême, nous purifie dans le mariage; d'après le consentement des deux époux, ou persévère dans le célibat par une décision volontaire. Reste un troisième degré, la monogamie, en vertu de laquelle un sexe renonce à l'autre, quand le premier mariage a été dissous par la mort. La première espèce de virginité a le bonheur d'ignorer complètement ce que plus tard on regrette d'avoir connu. La seconde dédaigne héroïquement ce qu'elle n'a que trop connu. La troisième, qui renonce au mariage une fois que l'union conjugale est rompue, outre le mérite du courage, a aussi le mérite de la modération. N'est-ce pas être modéré que de ne pas regretter ce qui nous a été enlevé, enlevé surtout par le Seigneur, sans la volonté duquel il n'est pas une feuille qui se détache de l'arbre, ni le plus humble passereau qui tombe à terre?