4.
De là nous concluons encore qu'il peut exister quelque moteur qui meuve ce qui est muable sans changer soi-même. Qui pourrait en douter quand ne change pas l'intention qu'a le moteur de conduire à la fin qu'il a en vue le corps qu'il met en mouvement; quand ce corps sur lequel agit le mouvement change au contraire à chaque moment; quand enfin l'intention d'achever, qui est manifestement immuable, donne en même temps le branle et aux membres de l'ouvrier et au bois ou à la pierre qu'il travaille? Par conséquent, si un changement quelconque se produit dans le corps sous l'action de l'âme, lors même que l'âme se proposerait ce changement, il n'en faut conclure ni que l'âme change nécessairement ni qu'elle meure; car elle peut unir à cette intention et le souvenir du passé et l'attente de l'avenir, ce qui suppose qu'elle vit, sans aucun doute. Il est vrai, il ne peut y avoir de mort sans changement ni de changement sans mouvement; mais il ne s'ensuit pas que tout changement cause la mort, ni que tout mouvement opère un changement.
Ne dit-on pas de notre corps même, qu'il se meut presque toujours à chaque action et qu'il change au moins avec l'âge, sans que cependant il soit encore mort, c'est-à-dire sans vie? Pourquoi ne pourrait-on dire aussi que l'âme ne meurt point, pour quelque changement que lui fait peut-être éprouver le mouvement?