10.
Aug. Nous le comprendrons peut-être autant que possible, si nous examinons attentivement ces trois propriétés, longueur, largeur et profondeur. Essaye-donc de te figurer une longueur qui n'ait encore aucune largeur. — Ev. Je ne puis me rien figurer de semblable; car si je fixe mon attention sur un fil d'araignée, l'objet le plus mince que nous voyons d'ordinaire, voilà que je rencontre en lui une longueur essentielle, une largeur, et une profondeur; quelles qu'elles soient, je ne puis nier qu'elles existent. — Aug. Ta réponse n'est point si absurde ; mais dès lors que tu découvres ces trois propriétés dans un fil d'araignée, tu fais sans doute le discernement de chacune d'elles; tu comprends en quoi elles diffèrent? — Ev. Comment ne pas voir en quoi elles diffèrent? Aurais-je pu voir autrement que nulle d'elles ne manquait à ce fil?— Aug. Le même acte intellectuel qui te les a fait discerner, peut t'aider à en faire abstraction, pour ne té figurer que la longueur seule, pourvu que tu ne fixes ton attention sur aucun corps. En effet, de quelque nature que soit un corps, il ne peut être dépouillé d'aucune de ces propriétés. Ce que je veux te faire comprendre, est incorporel ; car la longueur seule ne peut être saisie que par l'esprit, seule elle ne se trouve point dans les corps. — Ev. Je comprends déjà.— Aug. Cette longueur donc, en vain la voudrais-tu partager verticalement, il est évident que tu ne le pourrais; si tu le pouvais, il y aurait aussi largeur. — Ev. C'est évident. — Aug. Si tu le veux, appelons ligne cette longueur pure et simple; c'est ainsi d'ailleurs que l'appellent d'ordinaire beaucoup de savants. — Ev. Appelle-la comme tu voudras : quand la chose est évidente, il n'y a plus à s'inquiéter des noms.