12.
Aug. Je t'ai averti et même prié dès le commencement de supporter avec patience le détour que nous prenions, je te fais la même prière. Ce sujet qui nous occupe, n'est ni peu important, ni facile à connaître; nous voulons en avoir une notion complète et durable, s'il est possible. Autre chose est de croire l'autorité, et autre chose de s'en rapporter à la raison. Croire l'autorité, est un moyen beaucoup plus court et qui ne demande aucun travail; tu pourras même, s'il te plaît, lire sur les questions qui nous occupent, beaucoup de réflexions que de grands et saints personnages ont jugées nécessaires et qu'ils ont écrites comme d'inspiration en faveur des ignorants. Ils ont même voulu être crus sur parole, par ceux dont l'esprit trop lent ou trop embarrassé n'avait pas d'autre moyen de salut. Si ces derniers, qui forment de beaucoup le plus grand nombre, voulaient arriver à la vérité par la raison, ils seraient facilement trompés par l'analogie des raisonnements, et se jetteraient dans des opinions diverses et nuisibles, au point de ne pouvoir en sortir jamais, ou que très-difficilement. Pour eux, il est donc très-utile de s'en rapporter à une autorité supérieure, et d'y conformer leur vie. Si tu crois même que c'est là le plus sûr, je suis si loin de te contredire, que je te donne une complète approbation.
Si néanmoins tu ne peux maîtriser le désir qui te porte à rechercher la vérité par la raison, il te faut passer par de longs et nombreux circuits, afin de ne suivre que la raison qui mérite ce nom, c'est-à-dire la raison véritable. Il faut que cette raison soit non-seulement véritable, mais tellement certaine, tellement étrangère à toute apparence de fausseté, si toutefois l'homme peut s'élever jusques-là, que nulle argumentation fausse ou captieuse, ne puisse t'en séparer. — Ev. Je ne mettrai aucune précipitation dans mes désirs : que la raison marche et me conduise où elle voudra, pourvu qu'elle me fasse parvenir.