51.
Aug. Tu me parais oublier ce qui a été convenu tout à l'heure entre nous; je t'ai demandé s'il y a science lorsque la raison apprend une chose avec certitude. Tu as répondu, je crois que telle était selon toi la science humaine ; et tu dis maintenant que l'homme peut avoir quelque science, bien que la raison ne lui ait rien appris ! Qui ne voit la plus grande contradiction entre ces deux assertions : il n'y a science que si la raison apprend quelque chose avec certitude ; et l'on peut savoir quelque chose sans que la raison l'ait appris? Je suis curieux de savoir celle que tu préféreras, car toutes deux ne peuvent être vraies. — Ev. Je m'en tiens à ma dernière définition; j'ai eu tort d'admettre la première. Quand, avec la raison, nous cherchons ensemble la vérité, et cela au moyen de questions et de réponses, comment arriver à ce résultat qui est la conclusion du raisonnement, si l'on n'admettait d'abord quelque chose ? Mais comment concéder ce que l'on ne sait point ? Si donc cette raison ne trouvait à s'appuyer en moi sur quelque chose de connu pour me conduire à l'inconnu, jamais elle ne m'apprendrait rien , et je ne l'appellerais pas même du nom de raison.
C'est donc à tort que tu refuses de m'accorder qu'avant la raison il y a nécessairement en nous quelque science pour lui servir de base. — Aug. Soit, et comme je le recommande, je te permettrai de te reprendre chaque fois que tu auras à te repentir: mais n'abuse point de ma permission, je t'en prie, pour écouter mes questions moins attentivement, de peur qu'en faisant trop souvent des concessions mal à propos, tu ne sois amené à révoquer en doute ce que tu as eu raison d'accorder. — Ev. Passe plutôt à ce qui reste. Quoique je m'applique de toutes mes forces à être de plus en plus attentif, car je rougis d'abandonner tant de fois mon sentiment ; rien toutefois ne m'empêchera de refouler cette honte, et de me relever de mes chutes, surtout quand tu me tendras la main; parce que la constance est désirable il ne faut point aller jusqu'à l'obstination.