XXVIII.
Tu transformes donc, ô insensé, le Christ en la personne du Père, sans même examiner la valeur de ce nom, si toutefois, au lieu d'être un nom, Christ n'est pas plutôt un surnom qui signifie oint ou sacré. Oint est aussi peu un nom que vêtu, chaussé, qui ne sont que des accidents ajoutés à un nom. Parle! si Jésus, par quelque motif, était surnommé Vêtu, de même qu'il est appelé Christ conformément à sa mystérieuse onction, dirais-tu encore que Jésus est le Fils de Dieu, mais que Vêtu est le Père? Parlons maintenant du Christ. Si le Christ est le Père, le Père est marqué de l'onction, et conséquemment par un autre; ou bien, l'a-t-il été par lui-même? Prouve-le! Mais les Actes des Apôtres ne l'enseignent pas ainsi dans ce cri que l'Eglise pousse vers Dieu: «Tous se sont levés dans cette cité contre le Saint, votre Fils Jésus, que vous avez consacré par votre onction, tous, Hérode, Ponce Pilate et les nations.» Par-là même ils ont attesté que Jésus était le Fils de Dieu, et que le Fils avait été marqué de l'onction par le Père. Jésus sera donc le même que le Christ., qui a été consacre par le Père et non pas le même que le Père qui a consacré le Fils. C'est dans ce sens que Pierre a dit: «Il faut que toute la maison d'Israël le sache bien. Ce Jésus que vous avez crucifié, Dieu l'a fait Seigneur et Christ,» c'est-à-dire marqué de l'onction divine. Jean va plus loin: «Il flétrit comme menteur celui qui nie que Jésus soit le Christ,» au contraire, il déclare né de Dieu quiconque croira que Jésus est le Christ. Voilà pourquoi il nous exhorte au nom de son Fils Jésus-Christ, «afin que notre société soit avec le Père, et son Fils Jésus-Christ.» Paul de même ne manque jamais de dire Dieu le Père et notre Seigneur Jésus-Christ. Ecrit-il aux Romains? «Il rend grâces à Dieu par Jésus-Christ notre Seigneur.» Aux Galates? «Il leur déclare qu'il est apôtre, non par l'homme, mais par Jésus-Christ et Dieu le Père.» En un mot, tu as ses livres tout entiers qui rendent témoignage à cette vérité, et nous montrent deux personnes distinctes, Dieu le Père et Jésus-Christ notre Seigneur, Fils du Père, et de plus que Jésus est le même que le Christ, Fils de Dieu, sous l'un comme sous l'autre nom. Par-là même, en effet, que les deux noms appartiennent à un seul, l'un des deux noms avec ou sans l'autre, appartient toujours au même. Conséquemment, soit que l'on dise seulement Jésus, on comprend par-là le Christ, parce que Jésus est marqué de l'onction; soit que l'on dise simplement le Christ, le Christ est le même que Jésus, parce que celui qui a été marqué de l'onction, c'est Jésus. L'un de ces deux noms est le nom propre qui lui a été autrefois imposé par l'ange; l'autre n'est qu'un accident, un signe qui rappelle l'onction, pourvu cependant que le Christ soit le Fils et non le Père.
Enfin, qu'il est aveugle, celui qui ne comprend pas que s'il donne au Christ le nom de Père, le nom de Christ implique alors un autre Dieu! Si, en effet, le Christ se confond avec Dieu le Père et dit: «Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu,» il déclare par là qu'il y a un autre Père et «un autre Dieu au-dessus de lui.» De même, si le Christ est le Père, il en existe un autre «qui affermit le tonnerre, crée les tempêtes et proclame son Christ parmi les nations.» Si «les rois de la terre se sont levés et que les princes aient tramé des complots contre son Christ,» il faut qu'il y ait un autre Seigneur contre le Christ duquel se soient levés les rois et les princes. Et si le Seigneur s'adresse en ces mots au Christ, «mon Seigneur,» ce sera un autre Seigneur qui parlera au Père du Christ. Et quand l'Apôtre écrit: «Afin que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ vous donne l'esprit de sagesse et de révélation pour le connaître,» il y aura un autre Dieu de Jésus-Christ, distributeur des dons spirituels. Toujours est-il, pour ne pas nous perdre dans la multitude des détails, que «celui qui a ressuscité Jésus rendra aussi la vie à nos corps mortels;» par conséquent, il faut pour nous ressusciter un autre Dieu que le Père qui est mort, et que le Père qui est ressuscité, s'il est vrai que le Christ qui est mort soit le Père.