I.
Entraîné par la défense de mon opinion, je prouverai aussi en latin qu'il faut voiler nos vierges dès qu'elles sortent de l'enfance; qu'ainsi le demande la vérité, contre laquelle rien ne peut prescrire, ni le temps ni la dignité des personnes, ni le privilège des contrées; car le plus souvent la coutume née de l'ignorance ou de la simplicité des hommes se fortifie par l'usage dans la succession des temps, et par là prévaut contre la vérité. Toutefois notre Seigneur Jésus-Christ s'est appelé lui-même la Vérité, mais non la coutume. Si le Christ a toujours été, s'il est antérieur à tout, la vérité est donc également une chose éternelle et la plus ancienne de toutes. Qu'importent ceux qui trouvent nouveau ce qui par soi-même est ancien? C'est moins la nouveauté que la vérité qui condamne les hérésies. Tout ce qui est contraire à la vérité, ce sera l'hérésie, fût-ce une coutume ancienne. Au reste, celui qui ne la connaît pas l'ignore par sa faute. Car il faut s'instruire de ce que l'on ignore, de même qu'il faut se soumettre aux vérités que l'on reconnaît.
La règle de la foi est absolument une, règle seule immuable, n'admettant aucune réforme; elle consiste à croire en un seul Dieu tout-puissant, créateur du monde; en Jésus-Christ son Fils, né de la vierge Marie, crucifié sous Ponce-Pilate, ressuscité d'entre les morts le troisième jour, reçu dans les cieux, assis maintenant à la droite du Père, d'où il viendra juger les vivants et. les morts par la résurrection de la chair. Tant que cette loi de la foi demeure intacte, tout le reste, qui regarde la discipline et la conduite, admet la nouveauté par une sorte d'amendement, sous la direction de la grâce de Dieu qui opère et nous perfectionne jusqu'à la fin. Quelle apparence, après tout, que le démon travaillant sans relâche et ajoutant chaque jour à l'esprit d'iniquité, l'œuvre de Dieu s'interrompe ou cesse de nous perfectionner, surtout quand le Seigneur n'a envoyé le Paraclet qu'afin que l'homme, impuissant par sa faiblesse à tout comprendre à la fois, fût dirigé peu à peu, façonné et conduit à la perfection de la discipline par l'Esprit saint, vicaire du Seigneur! « J'ai encore beaucoup de choses à vous dire; mais vous ne pouvez pas les porter à présent. Quand l'Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité; car il vous annoncera ce qu'il aura entendu. » Déjà précédemment il leur avait parlé des opérations de cet Esprit. Quel est donc le ministère du Paraclet, sinon de régler la discipline, d'interpréter les Ecritures, de réformer l'intelligence, de nous avancer de plus en plus dans la perfection? Il faut que tout ait son âge. Rien qui n'attende sa perfection du temps. Enfin l'Ecclésiaste dit: « A chaque chose son temps. » Regarde les créatures elles-mêmes! elles n'arrivent que progressivement à produire. Voici d'abord une faible graine; d'elle sort un germe; du germe un arbuste; puis les rameaux et le feuillage se fortifient; enfin l'arbre se montre dans tout son développement, ses bourgeons se gonflent; la fleur se dégage du bourgeon, et le fruit naît de la fleur. Ce fruit lui-même, à peine ébauché, et informe pendant quelque temps, croît peu à peu, s'adoucit et acquiert une saveur agréable.
De même la justice (car il n'y a qu'un Dieu pour la justice et les créatures) s'appuya d'abord dans ses premiers éléments, sur la crainte naturelle de Dieu. Ensuite elle accomplit son enfance sous la loi et les prophètes; elle s'élança dans l'ardeur de la jeunesse par l'Evangile; aujourd'hui elle s'avance à la maturité par le Paraclet. C'est lui seul que nous devons reconnaître et adorer pour notre maître depuis Jésus-Christ. « Car il ne parle pas de lui-même; mais il dit ce que lui a enseigné Jésus-Christ. » Lui seul doit être notre guide, parce que seul il nous a été envoyé depuis Jésus-Christ. Ceux qui l'ont reçu préfèrent la vérité à la coutume; ceux qui l'ont écouté prophétisant jusqu'aujourd'hui, je ne dis pas seulement autrefois, voilent les vierges.