CHAPITRE XLVI. COMMENT ISAAC EST RECONNU POUR ÉPOUX DE RÉBECCA. SIGNIFICATION MYSTIQUE.
Il faut vraiment une étonnante impudence chez Fauste, pour faire un crime à Isaac, fils d'Abraham, d'avoir fait passer sa femme, Rébecca, pour sa soeur[^1]. L'origine de Rébecca nous est donnée; il est clair qu'elle était la parente très-rapprochée d'Isaac, par conséquent sa soeur[^2]. Voulant laisser ignorer qu'elle était sa femme, qu'y a-t-il d'étonnant, qu'y a-t-il d'inconvenant, à ce qu'il imite son père, quand il a pour se justifier les mêmes raisons que lui ? Ainsi toutes les réponses que nous avons faites aux accusations de Fauste sur ce sujet, à l'égard d'Abraham[^3], ont la même valeur pour son fils Isaac. Il est facile de les relire. Mais peut-être quelqu'un pénétrant plus avant, voudra-t-il savoir quelle mystérieuse signification il faut attacher à cette circonstance que le roi étranger ne s'aperçut que Rébecca était l'épouse d'Isaac que quand il le vit jouer avec elle. Or, il fallait, pour cela, qu'il jouât avec elle d'une façon qui serait déplacée de la part de tout autre qu'un époux. Quand des saints se permettent des jeux de ce genre, ils ne le font pas sans but, mais par prudence : ils condescendent, pour ainsi dire, à la faiblesse du sexe féminin, en se livrant à de joyeuses caresses en paroles ou en actions, tempérant ainsi, sans l'énerver, la fermeté propre à l'homme paroles ou actions qui seraient coupables, adressées à toute autre femme qu'une épouse. Cela tient à la nature même de l'humanité, et je le dis pour que personne ne fasse un crime à ce saint patriarche d'avoir joué avec sa femme. Si ces durs censeurs voient un homme grave dire des mignardises à de petits enfants, et donner ainsi une nourriture agréable et digeste à leur intelligence naissante, ils le traitent de radoteur, oubliant eux-mêmes les moyens qui les ont fait grandir, ou regrettant d'avoir grandi. Or, ce que signifie, au point de vue du sacrement du Christ et de l'Eglise, cette circonstance qu'un si grand patriarche ait joué avec son épouse, celui-là le voit qui, craignant de pécher contre l'Eglise par erreur, cherche attentivement le secret de son époux dans les saintes Ecritures, et trouve qu'il a quelque peu caché, sous la forme d'un esclave, sa majesté qui, étant en la forme de Dieu, est égale au Père[^4]; afin que la faiblesse humaine pût la soutenir et s'y unir convenablement. Qu'y a-t-il donc d'absurde, ou plutôt quelle convenance n'y a-t-il pas au point de vue prophétique, à ce qu'un prophète de Dieu ait joué charnellement avec son épouse pour gagner son affection, quand le Verbe de Dieu s'est fait chair pour habiter parmi nous[^5] ?
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Gen. XXVI, 7.
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Id. XXIV.
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Ci-dessus, ch. XXXIII - XXXVI.
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Phil. II, 6, 7.
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Jean, I, 14.