CHAPITRE XI.
DEUX NATURES DANS LA PERSONNE DU FILS.
- Une règle essentielle à la bonne interprétation des saintes Ecritures, est donc de distinguer, par rapport au Fils de Dieu, ce qu’elles affirment de lui comme Dieu et comme égal à son Père, de ce qu’elles énoncent de lui comme ayant pris la forme d’esclave en laquelle il est inférieur à son Père. Mais aussi cette règle une fois bien comprise, nous ne nous inquiéterons point de contradictions qui ne sont qu’apparentes. Et en effet, selon la nature divine, le Fils et le Saint-Esprit sont égaux au Père, parce que nulle des trois personnes de la sainte Trinité n’est créature, ainsi que je l’ai prouvé; mais le Fils, en tant qu’il a pris la forme d’esclave, est inférieur au Père, selon ce qu’il a dit lui-même : « Le Père est plus grand que moi ». En second lieu, il est inférieur à lui-même, parce que saint Paul a dit «qu’il s’était anéanti ( Philipp., II, 7 ) ». Enfin il est encore (359) comme homme inférieur à l’Esprit-Saint, car il s’est ainsi exprimé : « Quiconque parle contre le Fils de l’homme, le péché lui sera remis; mais si quelqu’un parle contre le Saint- Esprit, le péché ne lui sera pas remis ( Matt., XII, 32 )». C’est aussi comme homme que Jésus-Christ rapporte ses miracles à l’opération de cet Esprit divin. « Si je chasse, dit-il, les démons par l’Esprit de Dieu, le royaume de Dieu est donc arrivé jusqu’à vous (Luc, XI, 20 ) ». On sait encore qu’ayant lu dans la .synagogue de Nazareth te passage suivant d’Isaïe, il s’en fit à lui même l’application : « L’Esprit du Seigneur est sur moi; il m’a consacré par son onction pour évangéliser les pauvres, et annoncer aux captifs leur délivrance ( Isaïe, LXI, 1 ; Luc, IV, 18 ) ». Ainsi Jésus-Christ ne se reconnaît envoyé pour ces oeuvres, que parce que l’Esprit du Seigneur est sur lui.
Comme Dieu, il a fait toutes choses, et comme homme, il a été formé d’une femme et assujetti à la loi ( Jean I, 3 ; Galat., IV, 4 ) . Comme Dieu, il est un avec le Père, et comme homme, il n’est pas venu faire sa volonté, mais la volonté de Celui qui l’a envoyé. Comme Dieu, « il lui a été donné d’avoir la vie en soi, ainsi que le Père a la vie en soi ( Jean, X, 30, VI, 38, V, 26 ) » ; et comme homme, il s’écrie au jardin des Oliviers : « Mon âme est triste jusqu’à la mort » ; et encore: « Mon Père, s’il est « possible, que ce calice s’éloigne de moi ( Matt., XXVI, 38, 39 )». Comme Dieu, « il est lui-même le vrai Dieu et la vie éternelle », et comme homme, « il s’est fait obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix ( I Jean, V, 20 ; Philipp., II, 8 ) ».
- Enfin, comme Dieu, il possède tout ce qui est au Père, selon ce qu’il a dit lui-même: « Mon Père, tout ce qui est à moi, est à vous; et tout ce qui est à vous, est à moi»; comme homme, il avoue que sa doctrine n’est pas de lui, mais de Celui qui l’a envoyé ( Jean, XVI, 15, XVII, 10 , VII, 16 ).