CHAPITRE XII.
APPARITION FAITE À LOTH.
« Or deux anges arrivèrent sur le soir à Sodome ». Ici, la proposition que je veux établir demande toute notre attention. Nous avons vu qu’Abraham s’adressant à ses trois hôtes, leur parlait comme à un seul qu’il appelait son Seigneur; et de là on pourrait conclure qu’il en reconnaissait un pour Dieu, et les deux autres pour ses anges. Mais comment accorder cette opinion avec la suite du récit? « Le Seigneur disparut lorsqu’il eut cessé de parler à Abraham, et Abraham retourna en sa demeure. Or deux anges arrivèrent sur le soir à Sodome ». Est-ce par hasard que celui des trois que le saint patriarche reconnaissait comme Dieu, s’était alors retiré, se contentant d’envoyer ses anges à Sodome? Eh bien poursuivons la lecture du texte sacré : « Deux anges arrivèrent donc sur le soir à Sodome, et Loth était assis à la porte de la ville. Et dès qu’il les eut vus, il se leva et alla au (379) devant d’eux, et il adora, s’inclinant vers la terre, et il dit Je vous prie, seigneurs, retirez-vous en la maison de votre serviteur ( Gen., XIX, 1,2. ». Ne ressort-il pas de ce récit que ces anges étaient au nombre de deux, et que Loth les prenant pour des hommes, leur adressait la parole au pluriel, les invitait à accepter ses offres d’hospitalité, et leur donnait par honneur le nom de seigneurs?
- Mais voici une nouvelle difficulté. Si Loth n’eût reconnu en eux des anges, « il n’eût point adoré, s’inclinant vers la terre » : et si, d’autre part, il ne les eût pris pour des hommes, il ne leur eût point offert la table et le logement. Cette difficulté, je l’avoue, ne laisse pas que d’être sérieuse, et néanmoins sans la résoudre, je poursuis mon raisonnement. L’Ecriture raconte donc tout d’abord que deux anges arrivèrent à Sodome, que Loth les vit, qu’il leur offrit l’hospitalité, et qu’il leur parla au pluriel jusqu’à ce qu’il eût quitté la ville; puis elle continue en ces termes « Et après qu’ils l’eurent emmené hors de la ville, ils lui dirent : Sauve ta vie; ne regarde point derrière toi, et ne t’arrête point dans cette contrée : mais sauve-toi sur la montagne, de peur que tu ne périsses avec les autres. Et Loth leur répondit : Mon Seigneur, je vous prie, puisque votre serviteur a trouvé grâce devant vous», et le reste ( XIX, 1-19 ). Pourquoi donc Loth dit-il aux deux anges: « Je vous prie, Seigneur », si celui qui était Dieu s’était déjà retiré et n’avait laissé que ses anges? Pourquoi encore ce mot, Seigneur, au singulier, et non au pluriel? Direz-vous qu’il ne s’adressait qu’à un seul? mais alors pourquoi l’Ecriture s’exprime-t-elle ainsi : « Loth leur répondit: Mon Seigneur, je vous prie, puisque votre serviteur a trouvé grâce devant vous »? Evidemment, il est ici question de deux personnes; et Loth qui leur parle comme à un seul, reconnaît en elles l’unité de nature, et confesse qu’elles ne sont qu’un seul Dieu. Mais quelles sont ces deux personnes? Le Père et le Fils, ou le Père et l’Esprit-Saint, ou plutôt le Fils et l’Esprit-Saint? Cette dernière hypothèse me paraît la plus vraisemblable. Car ces deux anges se disent envoyés, ce que nous disons également du Fils et du Saint-Esprit, tandis que jamais l’Ecriture ne l’affirme du Père.