25.
Puisqu'il est dans l'incertitude sur le grave sujet qui nous occupe, que n'imite-t-il la mère des Macchabées ? Elle savait fort bien que par son mari elle les avait conçus dans son sien, et que Dieu lui-même les avait créés selon le corps et selon l'esprit, et cependant elle s'écrie: « Je ne sais comment vous avez été formés dans mes entrailles ». Je voudrais que notre adversaire me dît ce que cette femme ignorait. Elle n'ignorait pas, je l'ai dit, comment ces enfants étaient venus dans son sein, puisqu'elle ne pouvait douter qu'ils ne fussent le résultat du mariage. Elle confessait même que c'était Dieu qui leur avait donné l'âme et l'esprit, comme il avait formé leur visage et leurs membres. Qu'ignorait-elle donc ? N'est-ce pas ce que nous ignorons nous-mêmes, c'est-à-dire si cette âme que Dieu leur avait donnée, il l'avait tirée des parents ou l'avait créée immédiatement et par un souffle nouveau, comme il avait fait pour le premier homme ? Quel que soit du reste le point particulier qu'elle n'eût pas connu, elle ne cachait point son ignorance; et elle n'affirmait pas témérairement ce qui lui était inconnu. Et cependant Vincent Victor rougirait d'adresser à cette femme l'injure qu'il nous adresse à nous-mêmes : « L'homme si haut placé dans les honneurs n'a pas compris; il a été comparé aux animaux sans raison, et il leur a été trouvé semblable1 ». Cette femme déclare ne pas savoir comment ses enfants ont été formés dans son sein », et cependant il ne la compare pas aux animaux sans raison. Je ne sais pas», dit-elle; et supposant qu'on lui demande pourquoi elle l'ignore, elle ajoute : « Car ce n'est pas moi qui vous ai donné l'esprit et l'âme ». Celui qui vous les a donnés sait d'où il a formé ce qu'il vous a donné, s'il l'a tiré de la génération ou d'une création nouvelle et d'un souffle nouveau. Quant à moi, je l'ignore. « Ce n'est pas moi qui vous ai formé à chacun votre visage et vos membres » ; celui qui vous les a formés sait s'il les a formés avec votre âme, ou s'il a attendu qu'ils fussent formés pour leur donner une âme. Quel que fût du reste le mode sous lequel ses enfants étaient venus dans son sein, elle l'ignorait ; ce qu'elle savait, c'est que celui qui leur avait tout donné leur rendrait tout. En face d'un mystère aussi profond de la nature humaine, que notre adversaire se prononce sur ce que cette femme ignorait; seulement, qu'il ne l'accuse pas de mensonge; et, parce qu'elle ignore, qu'il ne la compare pas aux animaux sans raison. Ce qu'elle ignorait touchait à la nature même de l'homme, cette nature humaine pouvait très-innocemment l'ignorer. J'en dis autant de mon âme. Je ne sais comment elle est venue dans mon corps, et certainement je ne me la suis pas donnée moi-même. Celui qui me l'a donnée sait s'il l'a tirée de mon.père ou s'il l'a créée pour moi toute nouvelle, comme il a fait pour le premier homme. Je le saurai moi-même quand il lui plaira de me l'apprendre. Pour le moment, je l'ignore; quant à avouer mon ignorance sur ce point, je n'hésite pas un seul instant et sans me croire obligé d'en rougir, comme le fait mon adversaire.
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Ps. XLVIII, 13 ↩