22.
Dieu vous garde, mon frère, d'approuver une semblable doctrine, de vous réjouir de l'avoir apprise, ou d'entreprendre de l'enseigner vous-même; si vous succombiez à ce danger, vous seriez de beaucoup inférieur à ce jeune homme. En commençant son premier livre, cédant à un beau mouvement de modestie et d'humilité, ne s'est-il pas, écrié «En cherchant à vous obéir, j'encours la note de présomption ? » Il ajoute un peu après: «Je n'ai pas pour moi-même la crédulité de penser que je puisse prouver ce que j'avance ; je suis donc disposé à ne point soutenir mon opinion particulière, si je découvre qu'elle soit improbable; et condamnant mon propre jugement, j'embrasserai de grand coeur le sentiment qui me paraîtra le meilleur et le plus vrai. En effet, comme c'est faire preuve de sagesse et de prudence de suivre sans difficulté le parti de la vérité, ce serait montrer de là à folie et de l'obstination que de ne pas se ranger immédiatement du côté de la raison ». Si ce langage était sincère de sa part, s'il sentait réellement ce qu'il disait, il faisait preuve de grandeur et de noblesse dans ses espérances. A la fin du livre second il dit également : «Ne croyez pas que je pousse la flatterie à votre. égard, jusqu'à croire que mon langage n'a besoin que d'être sanctionné par votre propre jugement. Dans là crainte qu'aux yeux de certain lecteur curieux il ne se trouve dans mes écrits quelques passages capables de le blesser et l'offenser, faites preuve dans la correction de toute la sévérité possible, retranchez impitoyablement tout ce qui vous paraîtra faux ou inconvenant. Je ne voudrais pas qu'à l'occasion de ce livre et par suite d'une trop grande bienveillance de votre part, des inepties jusque-là inconnues vinssent me couvrir du ridicule universel ».