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Works John Chrysostom (344-407) Adversus oppugnatores vitae monasticae libri I-III Apologie de la vie monastique
LIVRE TROISIÈME.

12.

Ce que je viens de dire suffit sans doute pour répondre à un païen : mais nous parlons à un chrétien; et nous pouvons, outre les exemples qui viennent d’être rapportés, lui en proposer d’autres que nous tirerons de nos saintes Ecritures: ceux des grands hommes et des saints des premiers siècles, quand les lettres n’existaient pas encore; ceux de leurs successeurs, quand les lettres existaient, mais que la rhétorique n’était point encore inventée; ceux enfin des hommes qui vécurent lorsque les lettres et l’éloquence étaient florissantes. Tous ces hommes ignorèrent et l’éloquence et les lettres; ils ne possédèrent ni le talent de la parole ni les connaissances littéraires. Cependant, même dans ce qui parait le plus réclamer la force de la parole, ils dépassèrent tellement les orateurs que ceux-ci semblent n’être à côté d’eux que de petits enfants. Avec tout leur talent de persuader et toute leur éloquence, les orateurs n’ont jamais pu triompher d’un seul tyran, tandis que des illettrés, des gens du peuple, ont changé toute la terre; la palme de la sagesse revient donc à ces illettrés, à ces gens simples, et non pas aux sophistes et aux orateurs. Tant il est vrai que la science et la sagesse véritable n’est autre chose que la crainte de Dieu.

Ne croyez pas cependant que je conseille de laisser tous les enfants dans l’ignorance garantissez-moi la chose nécessaire, la science du salut, et je ne songerai guère à empêcher qu’on leur donne le superflu, c’est-à-dire la connaissance des belles-lettres. De même que, si les fondements d’un édifice étaient ébranlés et que tout le bâtiment courût risque de s’écrouler, il serait de la dernière imprudence et de la dernière folie de courir aux plâtriers et non aux maçons; de même ce serait chicaner mal à propos, quand les fondements sont solides et bien assurés, que d’empêcher d’enduire les murs et de les orner.

En parlant de la sorte je suis sincère, voici un trait qui vous le prouvera. « Un jeune homme fort riche séjourna quelque temps dans notre ville pour y apprendre les deux langues latine et grecque. Ce jeune homme avait toujours à ses côtés un gouverneur chargé uniquement de former son âme. J’allai trouver ce précepteur, que je savais avoir autrefois mené la vie d’anachorète, et j’essayai de connaître la raison pour laquelle, après avoir embrassé la vie ascétique, il s’était rabaissé â cette condition de précepteur. Il me dit qu’il ne devait plus passer que peu de temps dans cet état et me raconta son histoire dès l’origine. Cet enfant, me dit-il, a un père rude et violent tout adonné aux choses de la terre, et une mère sage, modeste, vertueuse, et qui n’a les yeux tournés que vers le Ciel. Or, le père, s’étant signalé dans les guerres, veut engager son fils dans la même profession; ce parti déplaît à la mère, c’est pour elle un malheur que tous ses voeux tendent à conjurer; son plus grand désir est de voir son fils se distinguer dans l’état monastique. Mais révéler au père une telle pensée, elle ne l’ose; elle craint même qu’il ne pénètre ses desseins secrets , et que pour les déjouer il n’engage prématurément ce fils dans les liens du monde, elle tremble que ce cher enfant ne quitte ses pieux exercices pour ceindre l’épée et se plonger dans l’indifférence religieuse qui caractérise cette profession, et qu’il ne devienne ensuite impossible de le corriger et de le ramener à une vie meilleure.

« Elle imagine alors un nouvel expédient. Elle me mande chez elle, me communique tous ses plans, puis -prenant la main de son enfant, elle la place dans les miennes. Je lui demande pourquoi elle faisait cela, elle me répond qu’il ne reste plus qu’un moyen pour sauver son fils; c’était que je voulusse bien me charger de son enfant comme gouverneur et l’amener ici, et que je lui en fisse la promesse; que pour elle, elle se faisait fort de persuader au père que l’étude des lettres est très-utile à qui veut embrasser l’état militaire. Si je puis obtenir cela, ajouta-t-elle, vous garderez désormais mon fils à l’écart, dans une maison étrangère, et sans être gêné ni par son père ni par aucun parent, vous pourrez le former tout à votre aise et le faire vivre comme dans un monastère. Donnez-moi votre assentiment et promettez-moi d’entrer avec moi dans ce stratagème. Je ne vous parle pas ici de choses indifférentes; c’est pour l’âme de mon enfant que je lutte et que j’affronte le danger. Ne méprisez point ce que j’ai de plus cher au monde dans un tel péril; retirez-le des piéges qui l’enveloppent de toutes parts et de la tourmente, sauvez-le de la fureur des flots. Si vous me refusez cette grâce, je vais appeler Dieu entre nous, et je le prendrai à témoin que je n’ai rien négligé de ce qui pouvait contribuer au salut de cette âme, et que je suis Innocente désormais du sang de cet enfant. S’il lui arrive quelque malheur, comme il est probable qu’il lui en arrivera à cet âge et dans cette vie de délices et de désoeuvrement, sachez-le, à partir de ce jour, c’est de vous, c’est de vos mains que pieu réclamera l’âme de cet enfant. »

« Par ces paroles et beaucoup d’autres qu’elle ajouta, par les larmes abondantes qu’elle versa, elle me persuada de me charger de ce soin, puis elle me congédia avec cette mission. »

L’industrieuse piété de cette femme fut couronnée de succès : ce vertueux précepteur forma si vite et si bien l’enfant dont il était chargé, il alluma dans son coeur un si violent désir de la vie parfaite , que son élève abandonna tous les biens terrestres, courut s’enfoncer dans le désert, et n’eut besoin désormais que d’un frein qui le ramenât d’une vie trop austère à une plus modérée. En effet l’on craignait que l’éclat de sa piété et de son zèle ne vînt à découvrir le stratagème et n’exposât à une guerre terrible sa mère, son gouverneur et tous les moines. Si le père eût appris l’éloignement de son fils et l’état de vie qu’il avait embrassé, il aurait remué ciel et terre non-seulement contre ceux qui l’avaient recueilli, mais contre tous les solitaires sans exception.

« Pour moi, continua le solitaire, je pris ce jeune enfant sous ma direction; mes conseils entretinrent et développèrent en lui le goût de la vie ascétique. Néanmoins je ne lui permis pas de quitter la ville; et je voulus qu’il s’adonnât à l’étude des lettres; mon but en agissant ainsi était qu’il devînt utile à ses compagnons par ses bons exemples, et qu’il pût suivre son attrait pour la piété sans éveiller les soupçons de son père. Je croyais cette mesure nécessaire, non-seulement à cause des saints religieux, de sa mère, de son gouverneur, mais encore à cause de l’enfant lui-même. Sa sagesse, plante encore si jeune et si tendre, n’aurait pu résister aux efforts de son père, si dès le commencement celui-ci avait entrepris de la déraciner. Il fallait lui laisser le temps de croître, de se fortifier, d’enfoncer profondément ses racines dans le coeur, afin que toutes les tentatives qu’on pourrait faire pour l’arracher fussent vaines. C’est ce qui arriva; je ne fus point déçu dans mes espérances. Après une longue séparation, le père finit par s’enquérir de ce que faisait son fils, et, apprenant ce qui se passait, il mit tout en oeuvre pour le faire changer de résolution, mais tous ses efforts n’aboutirent qu’à montrer combien la détermination du jeune homme était solidement arrêtée. En outre, beaucoup de ceux qui fréquentaient cet enfant gagnèrent tellement à sa conversation qu’ils embrassèrent le même genre de vie. »

Toujours dans la société du maître chargé de le former, il devenait comme une statue qui passe continuellement par les mains de l’artiste, et il ajoutait sans cesse à la beauté de son âme. Chose merveilleuse! quand il paraissait en public, il semblait ne différer en rien des autres jeunes gens; il n’avait point un caractère froid ou sauvage, ne portait point d’habits singuliers; pour la tenue, les regards, la voix, en un mot pour tout l’extérieur de sa personne, rien ne le faisait remarquer. C’est ainsi qu’il put prendre dans ses filets beaucoup de ceux qui le fréquentaient, en tenant soigneusement cachés les trésors de sa sagesse. A le voir dans sa maison, on l’aurait pris pour un des solitaires retranchés dans les montagnes, car sa maison était ordonnée avec toute la régularité d’un monastère, n’ayant rien au delà du nécessaire. Tout son temps se passait dans des lectures pieuses; très-prompt à saisir les sciences, il ne donnait que fort peu de temps aux études profanes et consacrait tout le reste aux prières et aux saintes Lettres; il passait un jour, et quelquefois davantage, sans prendre de nourriture. Les nuits étaient les confidentes de ses larmes, de ses prières et de ses lectures. Tous ces détails, c’est son gouverneur qui nous les a donnés en secret, car l’enfant lui en aurait voulu s’il avait su que le bruit de ses austérités transpirait au dehors. Le même gouverneur nous disait que son élève s’était fait un vêtement de crin, et qu’il passait les nuits ainsi vêtu, ayant découvert cet ingénieux moyen pour ne pas donner trop de temps au sommeil.

Il faisait toutes ses autres actions avec la régularité d’un moine, et glorifiait ainsi continuellement Dieu qui lui avait donné les ailes légères de la sagesse chrétienne. Que l’on me donne une âme de cette trempe, un maître de ce mérite, une conduite de cette perfection, et ce n’est pas moi qui pousserai ce jeune homme à se retirer dans les montagnes. Quel riche présent ce serait pour nous, comme nous le garderions avec soin à la ville, au milieu du monde, afin que par son âge et son, exemple, il nous fît gagner d’autres âmes! Mais je ne, vois personne qui puisse nous faire une telle promesse, personne surtout qui la puisse réaliser. Puisqu’il en est ainsi, il serait de la dernière cruauté de laisser celui qui ne peut se défendre lui-même, celui qui est abattu, criblé de blessures, celui qui communique encore sa faiblesse aux autres, de le laisser expirer au milieu des coups, quand il faudrait le soustraire à la mêlée. Il faudrait réprimander également et le général qui retirerait des rangs les soldats capables de combattre, et celui qui ordonnerait de laisser dans la mêlée les blessés et les morts qui gênent les combattants.

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Apologie de la vie monastique

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