13.
Ne sois pas surpris que, pour juger de l’énergie d’une âme, je demande d’autres preuves que l’austérité de la vie. En effet, nous voyons des gens pour qui ce n’est pas même une affaire de ne tenir aucun compte du boire et du manger, ou de la mollesse de la couche; il y en a qui sont naturellement rudes; pour d’autres, c’est affaire d’éducation, de tempérament même et d’habitude, toutes choses qui peuvent rendre aisé ce qui nous paraît pénible. Mais l’outrage, mais les injustices, mais un mot offensant, mais un trait mordant lancé avec ou sans réflexion par un inférieur, mais les plaintes portées contre nous au hasard et sans fondement par des supérieurs ou des subordonnés: voilà ce que bien peu savent supporter avec fermeté; vous en citerez un ou deux peut-être. Tel endurera courageusement la faim et la soif qui, mis aux prises avec ces autres épreuves, y perdra la raison, sera comme pris de vertige et deviendra plus furieux qu’une bête féroce. Voilà surtout celui que nous éloignerons du sanctuaire. Qu’un évêque ne s’exténue point par les jeûnes, qu’il n’aille point (587) nu-pieds, qu’est-ce que cela fait au bien général du troupeau? Mais un caractère violent, c’est tout ce qu’il y a de plus fécond en malheurs et pour soi-même et pour les autres.
Nulle menace n’est sortie de la bouche de Dieu contre ceux qui ne se macèrent pas; pour ceux qui se mettent en colère, c’est de l’enfer et du feu de l’enfer qu’il les menace. (Matth. V, 22.) Lorsque l’homme, épris de la vaine gloire, acquiert un grand pouvoir, c’est un nouvel aliment qu’il offre au feu qui le brûle; il en est de même de celui qui, dans son particulier et dans les petites réunions, ne peut maîtriser sa colère, et s’emporte pour un rien. Qu’on le incIte à la tête d’un gouvernement considérable, et l’on va voir un animal féroce, rendu furieux par les milliers de piqûres qu’il reçoit de tous les côtés à la fois. Plus de repos pour lui, et pour son peuple des maux incalculables.