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Ensuite il va plus loin et montre que la chose est nuisible. Il parle du tort qui en résulte pour les frères. « Mais prenez garde que cette liberté que vous avez ne soit une occasion de chute pour ceux de vos frères qui sont faibles ». Il ne dit pas: La liberté que vous avez est une occasion de chute , il ne le décide même pas, pour ne pas les rendre plus audacieux. Que dit-il donc? « Prenez garde », pour les épouvanter et en même temps les faire rougir et les amener à s'abstenir. Il ne dit point non plus: Votre science, ce qui semblerait un éloge; ni : votre perfection, mais: « La liberté que vous avez »: ce qui indique mieux la témérité, l'orgueil et la présomption. Il ne dit point: A vos frères, mais: « A ceux de vos frères qui sont faibles » ; aggravant ainsi l'accusation , puisqu'ils n'ont point d'égards pour les faibles, même d'entre leurs frères. Vous ne corrigez pas , vous n'excitez pas au bien, soit ! mais pourquoi supplantez-vous , pourquoi faites-vous tomber, quand vous devriez tendre la main ? Vous ne voulez pas aider, du moins ne renversez pas. Si votre frère était méchant , il aurait besoin de punition ; il est faible, il n'a besoin que de remèdes. Et il n'est pas seulement faible , il est encore votre frère. « Car si quelqu'un vous voit, vous qui avez la science, assis à table dans un temple d'idoles, sa conscience , qui est faible, ne le portera-t-elle pas à manger des viandes sacrifiées? » Après avoir dit : « Prenez garde que cette liberté que vous avez ne soit une occasion de chute » , il fait voir comment cela peut arriver. Partout il parle de faiblesse pour qu'on ne croie pas que la chose est nuisible par elle-même et que les démons sont à craindre. Votre frère, dit-il, est sur le point de renoncer complètement aux idoles; mais, en voyant que vous vous plaisez dans leurs temples, il prend cela pour une leçon et continue à y aller. Ainsi donc le piège ne vient pas seulement de sa faiblesse, mais aussi de votre conduite déplacée ; vous le rendez plus faible.
« Ainsi , par vos aliments , périra un faible , votre frère , pour qui le Christ est mort ». Deux choses, là , rendent votre faute inexcusable : il est faible et c'est votre frère. L'apôtre en ajoute une troisième , la plus terrible de toutes. Laquelle? C'est que le. Christ a daigné mourir pour lui , et que vous , vous n'avez point d'égards pour sa faiblesse. Par là Paul rappelle à celui qui est parfait ce qu'il était autrefois , et que le Christ est aussi mort pour (424) lui. Il ne dit pas: Pour qui vous devriez mourir, mais, ce qui est bien plus: « Pour qui le Christ est mort ». Et, quand votre Maître a consenti à mourir pour lui, vous n'en tenez aucun compte, au point de ne pas même vous abstenir, à cause de lui, d'un repas criminel; au point de le laisser périr, après qu'il a été racheté à ce prix; et cela (ce qu'il y a de pire), pour des aliments? Il ne dit pas: A cause de votre perfection , ni : à cause de votre science, mais : pour des aliments. Voilà donc quatre chefs d'accusation , et des plus graves : C'est votre frère, il est faible, le Christ l'a estimé jusqu'à mourir pour lui , et, après tout, des aliments sont l'occasion de sa perte. « Or, péchant de la sorte contre vos frères et blessant leur conscience faible, vous péchez contre le Christ ». Voyez-vous comme il a amené, insensiblement et peu à peu, ce péché à sa plus haute expression ? Il revient encore sur la faiblesse. Il fait retomber sur leur tête tout ce qu'ils croyaient être à leur avantage. Il ne dit pas: Scandalisant, mais: « Blessant », pour faire ressortir leur cruauté par l'énergie du terme. Car quoi de plus cruel qu'un homme qui frappe un malade? Or le scandale est la plus grave des blessures : souvent il entraîne la mort.
Et comment pèchent-ils contre le Christ? D'abord parce que le Christ regarde comme siens les intérêts de ses serviteurs ; secondement, parce que ceux qu'on blesse, appartiennent à son corps et à ses membres; en troisième lieu , parce qu'ils détruisent, par ambition personnelle, son ouvrage, ce qu'il a édifié au prix de sa propre mort. « C'est pourquoi, si ce que je mange scandalise mon frère, je ne mangerai jamais de chair ». Il parle ici comme un maître excellent qui pratique lui-même ce qu'il enseigne. Il ne dit pas : à raison ou à tort, mais : de quelque manière que ce soit. Je ne parle pas, leur dit-il, de la viande immolée aux idoles, qui est interdite pour d'autres raisons : mais si quelque autre chose , d'ailleurs permise et en mon pouvoir, devient un sujet de scandale, je m'en abstiendrai, non pas un jour ou deux, mais pendant toute ma vie : «Je ne mangerai jamais de chair ». Il ne dit pas : de peur de donner la mort à mon frère, mais simplement pour ne pas le scandaliser. Car c'est le comble de la démence de mépriser des êtres si chers au Christ, pour lesquels il a voulu mourir, de les mépriser, dis-je, jusqu'au point de ne pas vouloir s'abstenir d'aliments à cause d'eux. Et ceci ne s'adresse pas seulement aux Corinthiens, ruais aussi à nous, qui dédaignons le salut de notre prochain et tenons ce langage diabolique. Car dire : que m'importe, si un tel se scandalise et se perd? C'est montrer l'inhumanité et la cruauté de Satan. Alors le scandale provenait de la faiblesse de quelques-uns; chez nous, il n'en est pas de même. Car nous commettons des fautes qui scandalisent même les forts. En effet, quand nous frappons, quand nous volons, quand nous nous livrons à l'avarice, que nous traitons des hommes libres comme des esclaves, qui n'en est pas scandalisé? Ne me dites pas que l'un est savetier, l'autre teinturier, un troisième maréchal; souvenez-vous que ce sont des fidèles et vos frères. Nous sommes les disciples de pêcheurs, de publicains, de fabricants de tentes : de celui qui fut nourri dans la maison d'un artisan , et daigna avoir son épouse pour mère; qui, enveloppé de langes, fut couché dans une crèche; qui n'eut pas où reposer sa tête, qui marcha jusqu'à se fatiguer, et fut nourri par des étrangers.
