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Car la foi et l'espérance cessent, quand sont arrivés les biens dans lesquels on a cru et qu'on a espérés. C'est ce que veut dire saint Paul par ces paroles: « L'espérance qu'on voit n'est point l'espérance ; pourquoi en effet espérer ce que déjà l'on voit». (Rom. VIII, 24.) Et en un autre endroit : « La foi est la substance des choses que l'on espère et la preuve des choses qui n'apparaissent point ». (Hébr. XI, 1.) C'est pourquoi la foi et l'espérance cesseront, quand ces biens nous seront apparus; mais la charité s'en accroîtras et deviendra plus forte. Autre éloge de la charité : elle ne se contente point des biens qu'elle a ; elle s'efforce toujours d'en trouver de nouveaux.
Faites-y attention : il a dit que la charité est le plus grand des dons, et la voie la meilleure pour les obtenir; il a dit que sans elle, ces dons ne nous servent pas beaucoup; il l'a décrite par des traits nombreux, il veut de nouveau l'exalter d'autre façon et montrer qu'elle est grande en ce qu'elle est stable. C'est pourquoi il a dit : « Ce qui nous resté, c'est la foi, l'espérance, la charité, ces trois vertus, mais la charité l'emporte sur les autres ». Comment donc l'emporte-t-elle?, en ce que les autres passent. Si donc telle est la force de la charité, il ajoute à bon droit : « Poursuivez la charité ». En effet il faut la poursuivre et s'empresser vivement vers elle, car elle est prompte à s'envoler, et grands sont les (530) obstacles qui nous arrêtent dans notre course vers elle. Il faut donc déployer une grande énergie pour la saisir; c'est ce que le bienheureux Paul voulait montrer, car il n'a pas dit: Suivez la charité, mais « poursuivez la charité », nous excitant ainsi et nous enflammant du désir de l'atteindre. Dieu , dès le commencement du monde, a employé des moyens innombrables pour la faire pénétrer dans nos âmes : car il a donné à tous les hommes un seul père, Adam. Pourquoi ne naissons-nous pas tous de la terre? Pourquoi ne naissons-nous pas déjà formés et développés, comme Adam? C'est afin que donnant le jour à nos enfants et les élevant, et que nés nous-mêmes d'autres, nous nous aimions les uns les autres. C'est pourquoi il n'a pas formé la femme de la terre. Comme il ne suffisait pas pour nous inculquer le respect qui mène à la concorde, d'être de la même substance, et qu'il- fallait encore avoir un auteur unique de notre race, il a voulu qu'il en fût ainsi. Séparés aujourd'hui par l'espace seul, nous nous considérons comme étrangers les uns aux autres; cela serait arrivé bien plus encore, si notre naissance avait eu deux principes. C'est pourquoi il n'a fait en quelque sorte du genre humain qu'un seul corps, qui n'a qu'une tête. Et, comme au commencement il paraissait y en avoir deux , voyez, comme il les a rassemblées et unies en une seule par le mariage. « A cause de cela » dit-il, « l'homme abandonnera son père et sa mère, et il s'attachera a sa femme et ils seront deux en une même chair ». (Gen. II, 24.)
Il n'a point dit: la femme, mais« l'homme», parce que c'est en lui que la concupiscence est la plus grande. Et Dieu l'a voulu ainsi afin de fléchir la supériorité de l'homme. par la tyrannie de cet amour, et de le soumettre à la faiblesse de la femme. Comme il fallait établir le mariage, il a donné à l'homme une femme sortie de lui ; car Dieu a tout fait en vue de la charité. Si en effet, les choses étant ainsi, le démon a pu les égarer et semer entre eux l'envie et la discorde, que n'aurait-il pu, s'ils n'avaient pas été sortis d'une même souche? Il a voulu ensuite que la soumission fût d'un côté, et le commandement de l'autre, car l'égalité des honneurs a coutume d'engendrer les disputes; il n'a donc pas établi un gouvernement populaire, mais la royauté, et dans chaque maison vous pouvez observer le même ordre que dans une armée. Le mari a le rang d'un roi, et la femme d'un gouverneur ou d'un général d'armée; les fils ont le troisième rang, le quatrième est aux domestiques; ils commandent à ceux qui sont au-dessous d'eux, et un seul est souvent mis à la tête de tous les autres, et envers eux a le rang d'un maître, mais, en tout le reste; il est domestique. Après cela il y a encore des différences dans le commandement , suivant qu'il s'exerce sur les femmes ou sur les enfants, et envers les enfants, d'autres différences suivant l'âge et le sexe ; car la femme n'a point le même empire sur tous ses enfants. Et partout Dieu a créé de nombreux commandements, afin que la concorde et le bon ordre subsistassent toujours. C'est pourquoi, avant que le genre humain se fut multiplié, quand ils n'étaient encore que deux, il a donné à l'un le commandement, et imposé à l'autre l'obéissance. Pour que l'homme ne méprisât point la femme plus faible que fui, et que celle-ci ne s'éloignât pas de lui, voyez comment il l'a Honorée et unie à lui, même avant sa création; car il dit « Faisons-lui une compagne » (Gen. II, 18), montrant ainsi qu'elle a été créée pour être utile à l'homme, et lui conciliant l'affection de l'homme, par cette raison qu'elle lui est utile; car nous aimons d'une affection plus vive ce qui a été fait à cause de nous. D'un autre côté, pour que la femme ne s'enorgueillît d'être pour lui une compagne nécessaire, et ne brisât ce lien , il l'a tirée d'une côte de l'homme, montrant qu'elle n'est qu'une partie de tout le corps. Pour que l'homme aussi ne S'enorgueillît point, Dieu n'a point permis qu'elle fût à lui tout seul, comme elle fut d'abord; il a fait le contraire, en lui faisant procréer des enfants; ainsi s'il a donné la supériorité à l'homme, il ne lui a point donné tous les avantages.
