5.
Nous ajouterons encore quelques autres raisons du langage de Paul. En attendant, nous sommes encore forcé de dire que Paul, parlant de la résurrection , traitait d'une chose qui paraissait impossible, et ne rencontrait que l'incrédulité; Paul écrivait à des Corinthiens, chez qui se trouvaient en grand nombre des philosophes toujours occupés à se moquer de semblables mystères. Ces hommes qui disputaient entre eux pour les autres sujets, étaient du même sentiment, accordaient à l'unanimité, pour rejeter ce dogme, pour décider qu'il n'y a pas de résurrection. Donc l'apôtre combattant pour une vérité à qui l'on refusait d'ajouter foi, et que l'on tournait et ridicule, tant parce que c'était un parti pris que parce que le fait était difficile à croire, l'apôtre; voulant établir la possibilité du fait; commence par se fonder sur la résurrection du Christ; il la démontre, et par les prophètes, et par ceux qui l'ont vue, et par ceux qui l'ont crue, et maître ensuite de sa démonstration par l'absurde, il ne pense plus qu'à établir la résurrection des hommes : « Car si les morts ne ressuscitent point , Jésus-Christ non plus n'est pas ressuscité ». Ensuite , fort des preuves qu'il a entassées sans interruption jusque-là, il argumente d'une autre manière, il appelle Jésus-Christ, prémices, il montre qu'il détruit tout empire , toute domination, toute puissance , et en dernier lieu , la mort. Comment donc la mort sera-t-elle détruite, si elle ne rend pas auparavant les corps qu'elle possédait?
Donc, après. de grandes paroles sur le Fils unique qui remet son royaume, c'est-à-dire, qui accomplit lui-même toutes ces choses, qui termine lui-même la guerre par une victoire, et qui soumet tout sous ses pieds, l'apôtre ajoute, pour corriger l'incrédulité du grand nombre : « Car Jésus-Christ doit régner jusqu'à ce qu'il ait mis tous ses ennemis sous ses pieds ». Ce n'est pas pour exprimer la fin de la royauté qu'il met ce « jusqu'à ce que », mais pour rendre son discours digne de foi, et préparer la confiance. N'allez pas, dit-il, parce que l'on vous a dit qu'il détruira tout empire, toute domination et toute puissance, craindre le démon et les innombrables phalanges des esprits de l’enfer, et les multitudes des infidèles, et la tyrannie de la mort, et tous les maux; comme s'il était désormais sans pouvoir; car, jusqu'à ce qu'il ait fait toutes es choses, il doit régner; ce qui ne veut pas dire qu'après son règne doit cesser; mais l'apôtre veut faire entendre que; bien que cela n'arrive pas présentement, il faut absolument que cela s'accomplisse. En effet la royauté de Jésus-Christ ne se scinde, pas; elle a sa puissance, sa force, elle persiste jusqu'à ce qu'il ait accompli toutes choses d'une manière parfaite. Cette méthode de l'apôtre, on peut la trouver même dans l'Ancien Testament; par exemple : « La parole du Seigneur demeure jusqu'à l’éternité » ; et encore : « Vous êtes toujours le même, et vos années ne finiront point ». (Ps. CXVIII, 89, et CI, 28.) Or ce que dit là le prophète, et les paroles du même genre, quand il annonce des événements qui n'auront lieu que longtemps après, et qui sont tout à fait dans l'avenir, c'est pour bannir la crainte des fidèles dont l'intelligence est plus lourde. Voulez-vous la preuve que « jusque »,appliqué à Dieu, et « jusqu'à la fin », ne marquent pas une fin ? Ecoutez ce que dit l'Ecriture : « Depuis le commencement des siècles, et jusque dans les siècles, vous êtes» (Ps. LXXXIX, 2); et encore : « Je suis » (Exod. III, 14) ; et : « Jusqu'à ce que vous soyez devenus vieux, je suis ». (Is. XLVI, 4.)
Et maintenant, si c'est en dernier lieu qu'il parle de là mort, c'est pour que les autres victoires prédisposent l'incrédule à accorder sa foi à ce dernier triomphe. Quand on peut détruire le démon, qui a introduit la mort dans le monde, à bien plus forte raison pourra-t-on détruire son ouvrage. Comme donc il lui a attribué tout -pouvoir, celui de. détruire les empires et les dominations, d'exercer une royauté parfaite, je veux dire, de procurer le salut des fidèles, la paix de la terre, l'abolition des péchés (Ce c'est là ce qui fait que la royauté est exercée d'une manière parfaite, et que la mort est détruite) comme de plus, l'apôtre n'a pas dit que c'est le Père qui détruira par son entremise, mais que c'est lui-même qui détruira, que c'est lui-même qui mettra sous ses pieds, comme il n'a tait aucune mention du Père, pour toutes ces raisons Paul a un scrupule : des insensés pourront se figurer, ou que 1e Fils est plus grand que le Père; ou que c'est quelque autre principe non-engendré; par ce motif, avec une circonspection qui met doucement les choses en sûreté, . Paul tempère la grandeur des paroles qu'il a fait entendre : « Car Dieu a mis tout sous ses pieds » ; mais maintenant, en attribuant au Père tout ce qui s'accomplit, Paul ne veut pas affaiblir le Fils (comment pourrait-il ravaler sa puissance, après en avoir donné tant de preuves, après lui avoir tout attribué?) toutes les paroles de l'apôtre vont, comme je l'ai dit, à montrer l'action commune du Père et du Fils dans tout ce qui s'accomplit pour nous (573). Ecoutez ce que dit Paul pour prouver que le Fils se suffit à lui-même pour se soumettre toutes choses : « Qui transformera notre corps dans notre abjection, afin de le rendre conforme à son corps glorieux, par cette vertu efficace par laquelle il peut s'assujettir toutes choses ». (Philippe III, 21.) Et ensuite il se sert d'un correctif : « Quand l'Ecriture dit que tout lui est assujetti, il est évident qu'il faut en excepter celui qui lui a assujetti toutes choses » ; mais de là encore, on peut tirer une preuve puissante de la gloire du Fils unique. S'il eût été moindre que son Père, de beaucoup inférieur à lui,-Paul n'aurait jamais eu la crainte qu'il montre ici. Les précautions qu'il a prisés, ne sont pas encore suffisantes pour lui; il y ajoute, il insiste. On pouvait dire Mais si le Père n'est pas assujetti au Fils, cela n'empêche pas que le Fils ne soit plus puissant. Cette pensée inspire à Paul des appréhensions, il repousse cette impiété, et ne croyant pas sa. démonstration encore complète, il ajoute surabondamment : « Lors donc que toutes choses auront été assujetties au Fils, alors le Fils sera lui-même assujetti » ; montrant par là la parfaite concorde avec le Père, et que le principe de tous lés biens et la première cause, c'est celui qui. a engendré celui qui est si puissant pour accomplir toutes choses parfaites.
