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La femme est elle-même une puissance investie d'autorité et d'égalité en beaucoup de choses; néanmoins, l'homme a toujours une supériorité. Voilà la principale sauvegarde du ménage. Car si l'homme a reçu le rôle du Christ, ce n'est pas seulement pour aimer, mais encore pour instruire : « Afin qu'elle soit sainte et immaculée » ; tandis que ces mots : « Chair », « Il s'attachera », regardent l'obligation d'aimer. En effet, si vous savez rendre votre femme sainte et immaculée, tout le reste s'ensuit. Cherchez les choses de Dieu, et les choses humaines vous viendront d'elles-mêmes. Faites l'éducation de votre femme; c'est par là que l'union s'établit dans le ménage. Ecoutez plutôt ce que dit Paul : « Si elles veulent savoir quelque chose, qu'elles interrogent à la maison leurs propres maris ». (I Cor. XIV, 35.) Si nous administrons ainsi nos maisons, nous nous rendrons aptes à diriger aussi l'Eglise : car le ménage est une petite Eglise. C'est par là que maris et femmes peuvent surpasser tout le monde en vertu. Songez à Abraham, à Sara, à Isaac, à leurs trois cent dix-huit serviteurs; rappelez-vous quelle union' quelle piété régnaient dans toute leur maison. Sara sut remplir le précepte de l'apôtre, et craindre son mari; c'est elle-même qui dit: « Il ne m'est pas arrivé jusqu'ici, et monseigneur est vieux». (Gen. XVIII, 12.) Quant à Abraham, il l'aimait au point de céder à toutes ses prières. Leur fils était vertueux, leurs serviteurs eux-mêmes, dignes d'admiration; eux, qui ne craignirent point de partager les périls de leur maître, qui s'y associèrent sans hésitation, sans vaine excuse : que dis-je, l'un d'eux, le principal, était si accompli, qu'Abraham lui confia le soin de marier son fils unique, et le fit voyager à l'étranger. Quand un général a fortement organisé son armée, aucun ennemi n'ose l'attaquer : il en est de même ici; lorsque femme, enfants, serviteurs, concourent au même but, une parfaite concorde règne dans le ménage ; au contraire, s'il n'en est pas ainsi, un mauvais serviteur suffit souvent pour tout ruiner, tout perdre ; et ce désastre général est l'oeuvre d'un seul homme. Veillons donc avec grand soin sur nos femmes, nos enfants, nos serviteurs, bien convaincus que nous faciliterons par là l'exercice de notre autorité, et que nos comptes en deviendront plus légers, plus faciles à rendre, que nous pourrons dire : « Me voici avec les enfants que Dieu m'a donnés ». (Isaïe, VIII, 18.) Si l'homme est accompli, si le chef est irréprochable, le reste du corps résistera à toutes les atteintes.
Ainsi donc, Paul nous instruit à merveille des obligations de la femme et de celles du mari : à la femme, il prescrit de craindre son mari, comme son chef; à l'homme, d'aimer sa femme, parce qu'elle est sa femme. — Mais comment arriver là? dira-t-on. — Paul a dit quel est le devoir : les moyens d'accomplir ce devoir, je vais vous les indiquer. Il faut mépriser les richesses, ne songer qu'à une chose, la vertu, et avoir la crainte de Dieu devant les yeux. — Ici s'applique tout aussi bien ce qui est dit au sujet des serviteurs : « Ce que (545) chacun leur aura fait de mal ou de bien, il le recevra du Seigneur. S'il faut aimer sa femme, c'est moins en vue d'elle-même, qu'en vue du Christ. C'est ce que l'apôtre indique par ces mots : « Comme au Seigneur ». Que votre conduite soit donc en tout celle d'un homme qui obéit au Seigneur et fait tout en vue de lui : Voilà le moyen de gagner le coeur, de persuader, d'empêcher toute querellé et toute discorde. Que la femme n'ajoute foi à aucune dénonciation contre son mari. Que le mari ne croie pas inconsidérément et à la légère ce qu'on lui dit contre sa femme ; que celle-ci ne, scrute pas avec curiosité les allées et venues de son mari, qui, de son côté, ne doit donner matière à aucun soupçon. Dis-moi, crois-tu qu'en te livrant tout le jour à tes amis, et ne paraissant que le soir auprès de ta femme; tu pourras contenter son affection, écarter de son esprit la défiance? Si elle se plaint, ne t'en fâche pas; car ses plaintes prouvent sa tendresse, non son exigence : ce sont les cris d'un amour ardent qui craint qu'on ne lui ait ravi son bonheur, le premier de ses biens ; qu'on ne lui ait enlevé son chef, qu'on n'ait attenté à ses droits.
Ces craintes pusillanimes peuvent aussi avoir une autre raison ; il ne faut pas montrer une affection excessive pour ses serviteurs, pour les femmes en ce qui concerne le mari, pour les hommes en ce qui concerne la femme ; car c'est souvent un motif de défiance. Veuillez vous représenter la conduite des justes. Sara, elle-même , invitait le patriarche à prendre Agar; Sara l'en pressait, personne ne pouvait vaincre la résistance d'Abraham ; bien que parvenu à l'extrême vieillesse sans avoir d'enfants, il aimait mieux ne devenir jamais père que de chagriner sa femme. Néanmoins , quand tout fut accompli, que dit Sara? « Que Dieu juge entre moi et toi ». Est-ce que, si Abraham avait été un homme comme un autre, il ne se serait pas mis en colère? Est-ce qu'il n'aurait pas levé la main en disant, ou à peu près : Que dis-tu ? Je ne voulais pas avoir commerce avec cette femme : c'est toi qui l'as voulu, et voici que tu me fais des reproches? Mais il ne dit rien de pareil; il dit seulement : « Voici cette servante entre tes mains, fais-en ce que tu jugeras à propos ». Il livra la compagne de sa couche, pour ne pas affliger Sara. Et pourtant il n'est pas d'union qui crée un lien aussi fort. En effet, s'il suffit d'une réunion à table pour réconcilier des brigands mêmes avec leurs ennemis (le Psalmiste dit « Toi qui goûtais avec moi les douceurs du repas »), à plus forte raison l'union de deux personnes en une seule épair (car c'est ce qui arrive pour celles dont la couche est commune), est-elle propre à faire naître l'affection. Aucune de ces considérations, néanmoins, ne triompha du juste : il céda à sa femme, montrant ainsi qu'il n'était pour rien dans ce qui s'était passé ; et, qui plus est,- il renvoya Agar, enceinte. Qui n'aurait pitié d'une femme enceinte de ses oeuvres? Néanmoins, le juste ne faiblit pas ; car il faisait passer avant tout l'amour qu'il portait à sa femme.
