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Ainsi donc ce n'est pas seulement le mari, la femme, les enfants, ce sont encore les serviteurs dont les vertus importent à l'harmonie et à la bonne direction du ménage. Aussi le bienheureux Paul n'a-t-il eu garde de négliger cette partie : s'il n'y arrive qu'en dernier lieu, il ne fait que suivre l'ordre de la hiérarchie. Son discours aux serviteurs est long, et non plus sommaire, comme son exhortation aux enfants; il est aussi d'un ordre beaucoup plus élevé : car ce n'est pas ici-bas, mais dans la vie future que Paul leur promet leur bonheur : « Sachant », dit-il, « que chacun recevra du Seigneur la récompense de tout le bien qu'il aura fait». C'est la sagesse même qu'il enseigne à ces hommes inférieurs, à la vérité, aux enfants en ce qui regarde la condition , mais supérieurs en intelligence. « Serviteurs, obéissez à vos maîtres selon la chair ». Tout d'abord il relève l'âme affligée, tout d'abord il la console. Ne gémis pas, dit-il, de te voir au-dessous de la femme et des enfants : ta servitude est purement nominale : la domination à laquelle tu es soumis est une domination selon la chair, éphémère, de courte durée, comme tout ce qui est charnel. « Avec crainte et tremblement ». Voyez-vous la différence entre la crainte qu'il requiert chez la femme, et celle qu'il exige des serviteurs? Pour ce qui est des femmes, il se borne à dire : « Que la femme craigne son mari »; mais ici il insiste : « Avec crainte et tremblement ». — « Dans la simplicité de votre coeur, comme au Christ-même ». Toujours la même expression. Qu'est-ce à dire, ô bienheureux Paul? C'est notre frère, il a été comblé des mêmes biens, il fait partie du même corps que nous; ou plutôt, il est le frère, non de son maître, mais du Fils même de Dieu ; il a sa part de tous les bienfaits et vous dites : « Obéissez à vos maîtres selon la chair avec crainte et tremblement?» C'est justement pour cela que je le dis, répondra-t-il. Si je prescris aux hommes libres de se soumettre les uns aux autres en vue de la crainte de Dieu («Soumis les uns aux autres dans la crainte de Dieu », dit-il plus haut) ; si je prescris à la femme de craindre son mari, bien qu'elle soit son égale en - dignité; à plus forte raison dois-je imposer la même obligation au serviteur. Ce n'est pas là une humiliation, c'est au contraire la première des noblesses, celle qui consiste à savoir s'abaisser, à rester fidèle à la modération, à céder au prochain. On a vu même des hommes libres servir leurs égaux avec crainte et tremblement. « Dans la simplicité de votre coeur». Fort bien : car on peut servir avec crainte et (555) tremblement, non par bienveillance, mais pour se soumettre à la nécessité. Beaucoup, quand ils le peuvent sans se trahir, font du tort à leurs maîtres.
C'est ce genre de fraude que Paul prévient en disant : « Dans la simplicité de votre coeur, comme au Seigneur; les servant non à l'oeil a comme pour plaire aux hommes, mais comme des serviteurs du Christ, accomplissant de coeur la volonté de Dieu, faisant votre service de bon gré, comme pour le Seigneur et non pour les hommes ». Voyez combien de mots il lui a fallu pour inspirer ces bons sentiments : « De bon gré, de coeur ». En ce qui regarde la crainte et le tremblement, on trouve bon nombre de serviteurs qui n'en manquent pas vis-à-vis de leurs maîtres : les menaces du maître suffisent pour amener ce résultat. Mais Paul dit en outre Montre que tu sers en serviteur, non d'un homme, mais du Christ; fais que le mérite soit le tien, et non celui de la nécessité. C'est ainsi qu'il est recommandé à celui qui est maltraité, de se conduire ensuite de manière que cette épreuve tourne à son profit et à l'honneur de sa volonté. En effet; comme celui qui donne un soufflet n'est pas incité à cela par la volonté de celui qu'il outrage , mais par sa propre méchanceté, il nous est conseillé de tendre l'autre joue, afin de montrer que nous n'avons pas reçu l'offense à contre-coeur. Car celui qui ajoute volontairement à son affront, s'approprie ce qui n'était pas d'abord son ouvrage, en tendant l'autre joue, non content d'endurer le premier soufflet. La patience pourra, à la rigueur, être attribuée à la crainte : mais ceci ne pourra l'être qu'à une admirable sagesse ; et par là on fera voir que c'est aussi par sagesse qu'on a patienté. En ce qui concerne les esclaves, eux aussi doivent faire voir que leur résignation à la servitude est volontaire et non inspirée par une pure complaisance. Un complaisant n'est pas serviteur du Christ; un serviteur du Christ ne songe pas à plaire aux hommes. Quel serviteur de Dieu pourrait s'inquiéter de cela? Qui, s'en inquiétant , pourrait être serviteur de Dieu ? « De coeur, servant de bon gré ». Remarquez ces paroles : car on peut servir même en simplicité de coeur, et ne pas manquer à ses devoirs, sans pour cela faire tout son possible : on peut se borner à remplir strictement ses obligations : voilà pourquoi Paul demande qu'on serve de bon coeur, non par nécessité, volontairement, et non parce qu'on y est contraint. Si vous servez ainsi de bon gré, avec zèle, de coeur, à cause du Christ, vous n'êtes plus en servitude : cette servitude-là n'est autre que celle de Paul, qui s'écrie quelque part, tout libre qu'il était : « Nous ne nous prêchons pas nous-mêmes, mais Jésus-Christ Notre-Seigneur ; nous déclarant nous-mêmes vos serviteurs par Jésus ».
