CHAPITRE XXIII.
Conversion des Indiens à la foi.
LA lumière de la foi parut alors pour là première fois dans les Indes. Car comme la réputation de la piété, et du courage de l'Empereur s'était répandue par toute la terre, et que tous les étrangers avaient reconnu par expérience, qu'il leur était plus avantageux d'entretenir avec lui la paix, que de lui faire la guerre, ils entreprenaient de grands voyages, soit par pure curiosité, ou par le désir de trafiquer, et de s'enrichir. Un Philosophe natif de Tyr, fit le voyage des Indes avec deux de ses neveux, et après avoir contenté sa curiosité, il remonta sur mer, pour retourner en son pays. Le vaisseau sur lequel il était, ayant été obligé de prendre terre, pour faire eau, les habitants fondirent dessus, noyèrent quelques-uns des voyageurs, et prirent les autres prisonniers. Le Philosophe fut tué ; ses deux neveux, dont l'un se nommait Edése, et l'autre Frumentius, furent menés au Roi, qui ayant reconnu leur esprit, et leur suffisance, leur donna l'Intendance de sa maison. Que si quelqu'un fait difficulté d'ajouter foi à ce que j'écris, je le prie de rappeler l'Histoire de Joseph, dans sa mémoire, et de considérer la grandeur du pouvoir, qu'il exerça en Egypte, et de se souvenir pareillement de Daniel, et des trois jeunes hommes de Babylone, qui devinrent Ministres d'Etat, après avoir été esclaves. Le Roi étant mort, ils possédèrent un pouvoir plus absolu sous le règne de son fils, qu'ils n'avaient fait sous le sien. Comme ils avaient été élevés dans la Religion Chrétienne, des Marchands Chrétiens qui trafiquaient dans le pays 159 leur proposèrent de s'assembler, et de célébrer ensemble les saints mystères.
Longtemps après, ils demandèrent au Roi pour récompense de leurs services, la permission de retourner en leurs pays Quand ils l'eurent obtenue, Edése retourna à Tyr, mais Frumentius préférant la piété à la tendresse naturelle qu'il avait pour ses parents, alla à Alexandrie, et informa Athanase Evêque de cette Ville, de l'ardeur avec laquelle les Indiens souhaitaient d'être éclairés de la lumière de la foi. Qui pourrait mieux que vous, lui dit ce saint Évêque, porter cette lumière à ces peuples, et dissiper les ténèbres de leur ignorance ? Lui ayant conféré la grâce du Sacerdoce, il l'envoya pour leur prêcher l'Evangile. Il partit de son pays, et passa sans crainte, cette vaste étendue de mer qui sépare de cette nation, qui était encore sauvage, et il la cultiva avec tant de soin, qu'il la rendit capable de porter des fruits d'une véritable piété. Il confirma sa doctrine par des signes extraordinaires, et convainquit les esprits les plus rebelles par des miracles semblables à ceux des Apôtres.