55.
Tout cela se suit: je m'arrête néanmoins volontiers à avertir l'âme de ne point tomber dans les sens au delà de ce qui est nécessaire, mais de s'en éloigner, pour se recueillir en elle-même et renaître en Dieu; c'est là revêtir l'homme nouveau et se dépouiller du vieil
homme. Il faut sûrement commencer par là, après avoir méprisé la loi divine; et les divines Ecritures ne renferment aucun enseignement ni plus vrai, ni plus profond. Je voudrais en dire davantage à ce sujet et m'obliger moi-même, en paraissant te faire la leçon, à ne plus agir que pour me rendre à moi-même1, à qui je me dois principalement. Je voudrais devenir pour Dieu ce qu'Horace appellerait un serviteur ami de son maître2. Mais cela n'est possible qu'à la condition de nous réformer à son image: il nous en a confié la garde comme du trésor le plus cher et le plus précieux, quand nous donnant à nous-mêmes, il nous a faits tels que nous ne pouvons lui rien préférer. Or rien ne me paraît plus laborieux qu'une telle oeuvre; rien en même temps ne ressemble plus au repos et l'âme ne peut la commencer ni l'achever, qu'avec le secours de Celui à qui elle se rend. De là vient que pour se réformer il faut à l'homme la clémence de Celui dont la bonté et la puissance l'ont formé.