58.
Ev. Quoi donc, je t'en prie? — Aug. C'est que la sensation et la science, malgré ce qui les distingue, ont cela de commun qu'elles ne sont point cachées; comme l'homme et la bête, malgré la distance qui les sépare, ont cela de commun qu'ils appartiennent l'un et l'autre au genre animal. Rien en effet n'est caché, quand l'âme en a connaissance, soit par l'harmonie du corps, soit par la pureté de l'intelligence; dans le premier cas, il y a sensation; science, dans le second. — Ev. Notre définition demeure donc inattaquable et prouvée.— Aug. Assurément. — Ev. Où donc était mon erreur? — Aug. Quand je t'ai demandé si tout ce qui n'est point caché appartient à la science, tu as eu tort de répondre affirmativement. — Ev. Et que voulais-tu que je répondisse ? — Aug. Que tout ce qui est connu n'appartient pas à la science pour cela, mais seulement ce qui est connu par la raison; car il y a simplement sensation lorsque nous connaissons par le corps, et que l'impression corporelle se fait connaître par elle-même. Ne sais-tu pas que plusieurs philosophes, et des plus pénétrants, ne voulaient pas même donner le nom de science à ce que découvre notre esprit, à moins qu'il n'en ait une telle intelligence que nul raisonnement ne l’en puisse déposséder?