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Aug. Ainsi donc, au moment où le mot de soleil s'échappe de tes lèvres, au moment où l'entendant moi-même, je songe à ce soleil dont tu as eu l'idée avant d'en parler et en même temps que tu en parlais, et auquel nous pensons peut-être l'un et l'autre maintenant; ne dirait-on pas que ce nom a reçu de toi le sens qu'il devait me transmettre? — Ev. On le dirait ? — Aug. Le nom renferme ainsi et un sens et un son; le son est pour les oreilles, le sens pour l'esprit : Ne te semble-t-il donc pas que le nom est comme un être vivant dont le son est le corps, et dont le sens est comme l'âme? — Ev. Je ne trouve rien de plus ressemblant. — Aug. Maintenant, ne pourrait-on pas diviser le son comme les lettres, quoique l'on ne puisse en diviser l'âme ou le sens : car le sens n'est autre chose que cette idée de notre esprit, qui ne te paraît ni large, ni longue, ainsi que tu viens de le dire? — Ev. Je le crois parfaitement. — Aug. Mais en se divisant avec les lettres, le son te parait-il conserver le même sens? — Ev. Comment chaque lettre pourrait-elle signifier ce que signifie le nom formé par elles toutes? — Aug. Et quand, après avoir perdu sa signification, le son est comme démembré avec tes lettres; ne dirais-tu pas que l'âme s'est échappée d'un cadavre mis en pièces et que le nom est mort en quelque sorte? — Ev. Je le crois si volontiers que rien dans notre conférence ne m'a plu davantage.