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Works Augustine of Hippo (354-430) De utilitate credendi De l'utilité de la foi

10.

Mais je veux laisser de côté les hauteurs de la science, et agir avec toi comme je crois que je dois agir avec un ami intime, c'est-à-dire, exposer les choses comme je le peux, et non comme j'ai vu avec admiration des hommes très-savants pouvoir le faire. Il est trois espèces d'erreurs auxquelles les hommes sont sujets en lisant. Je parlerai de chacune d'elles. La première consiste à croire vrai ce qui est faux, quand l'écrivain a pensé autrement qu'il n'a écrit. La deuxième, pour être moins répandue, n'en est pas moins pernicieuse; elle consiste à croire vrai ce qui est faux, en croyant toutefois ce que l'écrivain à cru lui-même. La troisième consiste à croire vrai dans un ouvrage ce qui n'a pas été tel dans la pensée de l'écrivain. Dans ce dernier cas, l'erreur peut être très-utile, et même, à bien considérer, il n'y a alors que profit à retirer de sa lecture. Un cas de la première espèce, c'est, par exemple, si l'on disait et si l'on croyait que Rhadamanthe dans les enfers fait comparaître les morts devant lui pour les entendre et les juger, parce qu'on a lu cela dans un poème de Virgile1. Il y a ici double erreur, parce que l'on croit une chose qui n'est pas croyable, et parce qu'on ne doit pas se figurer que l'auteur l'ait crue. On peut donner pour la seconde espèce l'exemple suivant Parce que Lucrèce dit que l'âme est composée d'atomes, et qu'après la mort elle s'échappe avec ces mêmes atomes et meurt, un lecteur s'imaginera que c'est la vérité et qu'il doit le croire. Il n'en est pas moins malheureux si, sur un sujet si important, il a pris pour certain ce qui est faux, bien que Lucrèce, dont l'ouvrage l'a trompé, ait eu cette opinion. A quoi sert en effet à ce lecteur d'être sûr du sens de l'écrivain, quand cet écrivain qu'il a choisi, au' lieu de l'empêcher de tomber dans l'erreur, l'y entraîne avec lui ? Voici qui se rapporte à la troisième espèce. Après avoir lu quelque passage des oeuvres d'Epicure où il vante la continence, on affirmera que ce philosophe a placé le souverain bien dans la vertu, et que par la suite il n'est pas blâmable. En quoi nuit à ce nouveau lecteur l'erreur d'Epicure, si ce dernier croit que le souverain bien de l'homme est le plaisir des sens, puisque ce lecteur n'a pas adopté une maxime si honteuse et si funeste, et qu'Epicure ne lui plaît que parce qu'il ne lui prête pas une opinion qui ne doit pas être admise? Cette erreur non-seulement est pardonnable , mais souvent même tout à tait digne d'un homme.

Quoi ! si l'on venait me dire d'un de mes amis qu'il a déclaré en présence de beaucoup de monde, que malgré ses années déjà avancées, il aime l'enfance et le premier âge au point qu'il a juré d'y conformer sa vie, et si cela m'était prouvé de manière à ne pouvoir le nier décemment; serais je blâmable de croire que cet ami, en parlant ainsi, a voulu montrer son goût pour l'innocence et son éloignement pour ces plaisirs où se plongent les hommes, et de l'affectionner bien plus encore que par le passé, n'eût-il par hasard sottement aimé dans la vie des enfants qu'une certaine liberté à jouer et à manger, et une molle oisiveté? Suppose en effet qu'il soit mort après ce qui m'a été dit de lui, et que je n'aie pu lui adresser aucune question pour connaître sa pensée, quel homme serait assez méchant pour m'en vouloir, alors que je vanterais la résolution de mon ami dans les termes mêmes qui me l'ont fait connaître? N'est-il pas vrai qu'un juste appréciateur des choses n'hésiterait même pas à louer ma manière de voir et mon attachement, en voyant que j'aimerais l'innocence, et que je préférerais avoir une bonne opinion de mon semblable, dans une circonstance douteuse où il me serait permis d'en juger autrement?


  1. Enéïde, VI, 566-569. ↩

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