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Ainsi raisonnent les partisans déclarés de chacun de ces deux systèmes. Pour leur répondre, je me contenterai de les avertir de ne point se jeter aveuglément dans une doctrine dont ils ignorent les fondements, et de ne point affirmer témérairement ce qu'ils ne connaissent pas. En effet, alors même qu'il serait écrit que Dieu souffla le souffle de vie sur le visage de la femme, et qu'elle fut faite âme vivante, il ne s'ensuivrait pas encore que l'âme ne passe pas des parents aux enfants par voie de génération, à moins que le même souffle n'ait été répété sur chacun de leurs enfants. Car il est possible que le corps de la femme ait été tiré sans vie du corps de l'homme, et que par là même il ait eu besoin de recevoir le souffle de vie, tandis que les enfants reçoivent de leurs parents la vie en même temps que la génération. Mais l'Ecriture garde le silence sur ce point; ce silence n'est ni une négation ni une affirmation; tout ce que nous pouvons en conclure, c'est que nous ne savons pas. Si donc on prétend que ce mystère nous est révélé dans d'autres passages, qu'on le prouve par des documents clairs et formels. En attendant ces preuves, je soutiens que les partisans absolus de la transmission des âmes ne peuvent rien conclure de l'observation par eux faite que Dieu n'a point soufflé sur le front de la femme; quant à ceux qui nient cette transmission des âmes, ils ne doivent pas non plus se croire dans le vrai, uniquement parce que Adam n'a point dit : Voici l'âme de mon âme. Comme la question n'est nullement résolue ni pour les uns ni pour les autres, la sainte Ecriture a pu nous laisser ignorer si la femme a reçu une âme par un nouveau souffle de Dieu, ou si Adam s'est écrié : Voici l'âme de mon âme. Dès lors, en admettant que la première femme ait reçu de l'homme son âme, la partie serait prise pour le tout dans ces paroles : « Voici l'os de mes os et la chair de ma chair » ; puisque la femme serait sortie tout entière de l'homme avec son corps et son âme. Si son âme lui est venue non pas de l'homme, mais d'un nouveau souffle de Dieu, le tout est pris pour la partie dans ces autres paroles : « La femme a été tirée de l'homme », puisque le corps seul en aurait été tiré.