34.
En admettant comme principe certain l'honnêteté et la fécondité du mariage, si l'homme n'avait point péché, je vous somme, vous Pélagiens, de nous dire quelle eût été la vie des hommes dans le paradis terrestre, et de choisir entre les quatre partis que je vous propose. Ou , bien ils auraient usé du mariage toutes les fois que la passion se serait fait sentir ; ou bien ils auraient enchaîné la passion toutes les fois que cet usage n'aurait pas été nécessaire ; on bien cette passion aurait été parfaitement soumise à l'empire de leur volonté, toutes les fois qu'une chaste prudence leur aurait fait pressentir la nécessité du devoir conjugal ; ou bien il n'y avait alors aucune passion, et dès lors les membres générateurs, comme tous les autres, obéissaient sans difficulté à l'empire de la volonté. Voilà quatre opinions bien distinctes, choisissez celle qui vous plaira. Quant aux deux premières, je suppose que vous les rejetez : comment admettre le joug de la passion, soit pour le subir, soit pour y résister ? La première me paraît devoir être rejetée au nom de l'honnêteté, et la seconde au nom de la félicité. Quel bonheur aurait été celui du paradis terrestre, si la volonté humaine n'avait été qu'une honteuse esclave, obéissant servilement à la passion, ou condamnée à lui résister au prix de son repos et de sa dignité? On ne saurait donc admettre un état de choses dans lequel la concupiscence de la chair, arbitrairement émue en dehors de toute nécessité du devoir conjugal, aurait obtenu un consentement toujours agréable dans sa servilité, ou une résistance qui aurait détruit l'harmonie.