142.
Jul. Après avoir donc écrit dans les dernières pages de ton livre, ces mots: « Dieu crée des hommes mauvais, de même qu'il donne la nourriture et l'aliment à d'autres hommes mauvais » ; tu ajoutes : « En effet, ce qu'il communique aux uns par son action «créatrice, n'est pas autre chose que la nature bonne; et l'accroissement qu'il donne aux autres par le moyen de la nourriture et de l'aliment, est un secours bon en lui-même, qu'il accorde, non pas certes à leur malice, mais à cette même nature bonne e créée par lui, Dieu bon et véritable. En tant «qu'ils sont hommes, ils possèdent une nature bonne dont Dieu est l'auteur; mais en étant qu'ils naissent souillés par le péchés et destinés à périr s'ils ne reçoivent une seconde naissance, ils participent à la malédiction prononcée dès le commencement contre la race humaine[^5], par suite de la désobéissance coupable du premier homme. Toutefois, celui qui a façonné ces vases de colère sait en faire un bon usage; il les transforme en des vases de miséricorde pour manifester en eux les richesses de sa gloire ; afin que personne parmi ceux qui ont appartenu d'abord à cette masse de a perdition et qui ont été ensuite délivrés par la grâce, ne s'attribue à soi-même le mérite de cette délivrance; mais que tout homme qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur[^1]. « Notre adversaire s'écartant de ces principes de la foi, prétend que les enfants ne sont a pas en la puissance du démon au moment de leur naissance ; il ne veut pas qu'on les présente au sacrement institué par Jésus-Christ pour qu'ils soient arrachés à la puissance des ténèbres et transférés dans le n royaume de ce même Jésus-Christ[^2]. Il accuse ainsi l'Eglise qui est répandue sur a toute la surface de la terre et dont les ministres font des insufflations sur tous les petits enfants qu'ils se préparent à baptiser, afin précisément de chasser de ceux-ci le prince du monde[^3] ». Enfin, plus loin encore, parlant des mouvements de la chair sans lesquels l'acte conjugal ne saurait s'accomplir; de ces mouvements que nous considérons comme une conséquence naturelle de la condition dans laquelle l'homme a été établi primitivement, et que nous défendons, non pas comme une chose excellemment bonne, mais comme l'exercice d'une faculté dont le corps humain a été doué au moment de sa création par Dieu ; tandis que toi-même, par ces écrits si multipliés et dont le style révolterait toute autre pudeur que celle du démon, tu as essayé de prouver que ce dernier seul a fait naître ces mouvements dans le corps de l'homme ; parlant donc de ces mouvements, tu répètes vers la fin de ton livre ce que tu as déjà dit cent fois: « Ainsi », dis-tu, « nous ne condamnons point l'union légitime des époux à cause des mouvements honteux de la chair. Car, lors même qu'aucun péché n'aurait été commis, il aurait pu exister des mouvements charnels dont les époux n'auraient point eu à rougir; mais le premier homme et la première femme eurent honte de ceux qui s'élevèrent en eux après leur péché et ils furent obligés de voiler leur nudité[^4]. C'est pourquoi les époux qui sont venus après eux, quoiqu'ils fassent un usage bon et licite de ces mouvements mauvais en eux-mêmes, continuent à fuir le regard des hommes quand ils remplissent le devoir conjugal, et ils confessent ainsi que cette action est une action a honteuse, puisque personne ne doit rougir de ce qui est bon en soi. D'où il suit que a celui qui accomplit licitement l'oeuvre de la chair, fait un bon usage d'une chose mauvaise en elle-même; celui au contraire qui accomplit cette oeuvre d'une manière illicite, fait un usage mauvais d'une chose mauvaise[^6] ».
Aug. Pourquoi ce passage n'est-il pas cité intégralement? Pourquoi laisses-tu croire au lecteur que j'ai ajouté ces mots: « D'où il suit que celui.... etc. », immédiatement après ces autres : « Personne ne doit rougir a de ce qui est bon en soi? » J'ai écrit en cet endroit de mon livre ces mots que tu n'as point rapportés: « On voit par là que l'oeuvre de la chair est bonne et louable en tant qu'elle a pour objet la procréation des enfants; mais les mouvements déréglés qui accompagnent cette oeuvre, sont tellement mauvais et honteux que les enfants ainsi engendrés doivent, pour échapper à la dama nation, être engendrés une seconde fois» Pourquoi supprimes-tu ces paroles du milieu de ce passage, et pourquoi cites-tu immédiatement d'autres paroles, sans avertir le lecteur de cette suppression ? Que signifie cette manière d'agir? Quel motif te détermine à recourir à de semblables moyens? Il ne te suffit pas d'abandonner les propositions que tu avais entrepris de réfuter dans le même ordre où je les ai énoncées, et de passer à d'autres pour distraire l'esprit de tes lecteurs et leur faire oublier les premières; il faut encore que tu rapportes d'une manière incomplète et inexacte celles par lesquelles il te plait de troubler ainsi l'ordre de la discussion; ici tu retranches quelques mots, là tu supprimes une phrase entière en rapprochant d'autres phrases qui étaient séparées ; tu ne suis d'autres règles que celles de ton caprice et des besoins de ta cause; mais permets-toi tout ce qu'il te plaira; ton erreur et ta défaite n'en seront pas moins manifestes, à ton grand déplaisir.
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Sag. XII, 11.
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I Cor. X, 17.
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Coloss. I, 13.
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Des Noces et de la Conc., liv. II, n. 32, 33.
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Gen. III, 9.
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Des Noces et de la Conc., liv. II, n.,38