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Une des choses qui doit le plus nous instruire, c'est que Dieu, qui connaît la fin de chaque homme, même avant sa naissance , agit cependant pour tous selon la règle ordinaire, et ne semble pas se servir de sa puissance et de sa prescience divines. Il traite les hommes selon leur état présent ; il les. rejette ou les attire, leur donne sa grâce ou la leur refuse, selon leurs dispositions de chaque jour. L'élection de Saül en est une preuve manifeste. (I Rois, X.) Dieu ne pouvait ignorer sa fin déplorable, et cependant il le choisit parmi tant d'Israélites ; il le sacre roi, en considération de sa vie présente et sans tenir compte de sa prévarication future. Et lorsque Saül s'est perdu, Dieu semble se repentir de l'avoir choisi et il s'en plaint comme un homme pourrait le faire. « Je me repens , dit-il, d'avoir établi Saül roi, parce qu'il m'a abandonné et qu'il n'a pas accompli mes ordres. » Et ailleurs : « Cependant Samuel pleurait Saül, parce que le Seigneur se repentait de l'avoir établi roi sur Israël. » (I Rois, XV, 11.) Cet exemple est frappant; mais Dieu annonce par son prophète Ézéchiel qu'il agit ainsi, tous les jours, à l'égard de tous les hommes : « Et je dis au juste qu'il possède la vie , et s'il se fie ensuite à sa justice pour commettre l'iniquité, j'oublierai sa justice, et il mourra dans l'iniquité qu'il a commise. Si, au contraire, je dis à l'impie : Tu mourras de mort, et s'il fait pénitence de son péché, s'il accomplit l'ordre, s'il restitue le gage qui lui a été confié, s'il rend ce qu'il a pris, s'il marche dans la loi de la vie et ne fait pas ce qui est injuste, il vivra et ne mourra pas; tous les péchés qu'il a commis ne lui seront pas imputés. » (Ézéch., XXXIII, 13.)
Enfin, lorsque le peuple que le Seigneur s'était choisi entre toutes les nations, détourna de lui les yeux de la miséricorde divine , en adorant le veau d'or, Moïse intervint en s'écriant : « Je vous en conjure, Seigneur, ce peuple a commis un grand crime en se faisant des dieux d'or ; et maintenant, si vous voulez lui pardonner son péché, pardonnez-lui, ou bien effacez-moi du livre que vous avez écrit. » Et Dieu lui répond : « Si quelqu'un pêche contre moi, je l'effacerai de mon livre. » (Exod., XXXII, 21.) David aussi, dans ses prophéties, se plaint de Judas et de ceux qui persécutent le Christ : « Qu'ils soient effacés, dit-il, du livre des vivants et que leurs noms ne soient point écrits avec ceux des justes. » (Ps. LXVIII, 29.) Judas accomplit lui-même la malédiction du Prophète. Le Christ, en l'élevant au rang des Apôtres, avait écrit son nom dans le livre des vivants, car il lui avait été dit comme aux autres : Ne vous réjouissez pas de ce que les démons vous soient soumis; mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans le ciel. » (S. Luc, X, 20.) Mais l'avarice le corrompit et le fit tomber des honneurs du ciel aux bassesses de la terre. Le prophète a eu raison de dire de lui et de ceux qui lui ressemblent : « Seigneur, que tous ceux qui vous abandonnent soient confondus; que ceux qui s'éloignent de vous soient écrits sur la terre parce qu'ils ont quitté le Seigneur, la source des eaux vivantes » (Jérémie, XVII, 13); et ailleurs : « Ils ne seront pas dans les conseils de mon peuple ; ils ne seront pas inscrits parmi ceux de la maison d'Israël, et ils n'entreront pas dans la terre d'Israël. » (Ézéch., XIII, 9.)