V. 2
« La bonne réputation vaut mieux que les parfums précieux, et le jour de la mort que celui de la naissance. » Considérez, dit-il, vous qui êtes un homme mortel, considérez la brièveté de votre vie, et souvenez-vous qu'en peu de temps votre corps va être réduit en poudre, et que vous ne serez plus ce que vous êtes aujourd'hui. Faites-vous donc, pendant que vous vivez, une bonne réputation qui dure plus que votre vie, et tâchez de mériter que la postérité, entendant prononcer votre nom, en ait autant de joie et de plaisir que ceux qui sentent l'odeur des parfums les plus précieux et les plus agréables. Quant à ce qui est dit du jour de la mort et du jour de la naissance, cela nous apprend qu'il est plus avantageux à un homme de quitter le monde, et d'être délivré d'une infinité d'afflictions et de l'incertitude de son salut, que de venir au monde pour être exposé à tous ces dangers et sujet à toutes ces misères. D'ailleurs on sait au jour de la mort ce que nous avons été, mais personne ne peut dire, le jour de notre naissance, ce que nous serons un jour. Enfin l'âme séparée du corps, quand l'homme meurt, est mise en liberté, au lieu que depuis le jour de notre naissance l'esprit se trouve lié à une chair mortelle, qui lui fait trop souvent sentir le poids de ses infirmités et de ses faiblesses.