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A PEINE s'était-il écoulé trois ou quatre jours depuis que la nouvelle de l'accident le plus fâcheux m'avoir alarmé, je ne pouvais me résoudre à la croire, parce que celui qui l'apportait ne disait rien de positif, et parce que d'ailleurs je désirais qu'elle fût fausse : j'ai reçu la lettre d'un évêque qui ne m'a que trop confirmé la vérité d'unie nouvelle aussi affligeante. Est-il besoin de vous dire combien j'ai poussé de gémissements , combien j'ai versé de larmes ? Pourrait-on avoir un coeur assez dur, assez étranger à la nature humaine , pour être insensible à un événement pareil, ou pour n'en ressentir qu'une douleur médiocre ? L’héritier d'une maison illustre, l'appui de sa famille, l’espérance de la patrie, le sang de parents si vertueux, l'objet de tous leurs voeux et de tous leurs soins, a doue été arraché de leurs bras dans la fleur de son âge ! Un accident aussi déplorable pourrait émouvoir un coeur d'airain et l'exciter à la compassion; faut-il s'étonner qu'il m'ait touché si vivement, moi qui vous fus toujours si dévoué, et qui partageai toujours vos sujets de joie et de tristesse ? Jusqu'alors vous n'aviez éprouvé que des afflictions légères, et tout paraissait s'arranger selon vos désirs : voilà que tout-à-coup, par la malice du démon, tout le bonheur de votre maison s'est éclipse, toute la satisfaction de vos âmes s'est évanouie, et vous êtes devenus un triste exemple des misères humaines. Toute notre vie ne pourront suffire à déplorer ce malheur comme il le mérite. Quand tous les hommes joindraient leurs gémissements aux nôtres, leurs plaintes ne pourraient égaler l'étendue dune pareille disgrâce. Quand l'eau des fleuves se convertirait en pleurs, ce ne seront pas encore assez pleurer une perte aussi désolante.