2.
« Car on verra se soulever peuple contre peuple, et royaume contre royaume (7) », ce qu’il appelle le commencement des maux des Juifs. « Et tout cela ne sera que le commencement des douleurs (8) », c’est-à-dire des malheurs dont ils seront affligés. « Alors ils vous livreront aux magistrats pour être tourmentés, et ils vous feront mourir (9) ». C’est avec une grande sagesse que Jésus-Christ entremêle en parlant les maux que souffriraient ses disciples avec ceux que souffriront le reste des hommes, afin que la vue des malheurs publics leur adoucît leurs maux particuliers. Mais il ne se contente pas de leur donner cette consolation. Il en ajoute encore une autre, lorsqu’il dit que cela leur arriverait « à cause de lui et de son nom. Et vous serez haïs de toutes les nations à cause de mon nom (9). En même temps plusieurs trouveront des sujets de scandale et de chute, et se trahiront, et se haïront les uns les autres (10). Il s’élèvera plusieurs faux prophètes qui en séduiront plusieurs (11). Et parce que l’iniquité se sera accrue, la charité de plusieurs se refroidira (12). Mais celui qui persévérera jusques à la fin, sera sauvé (13)» .Ce mal, que Jésus-Christ leur prédit en disant « qu’ils se trahiront et se haïront les uns les autres », est sans doute le plus grand des maux, puisque c’est une guerre intestine et domestique. Et il se mêla en effet avec les Juifs plusieurs faux frères. Remarquez donc ici trois sortes de différents maux : l’un de la part des séducteurs, l’autre de la part des ennemis, et le troisième de la part des faux frères. Voyez ce que saint Paul dit de ce dernier, et comment il déplore ce malheur: « Ce ne sont », dit-il, « que combats au dehors et que frayeurs au dedans ». (II Cor. VII, 5.) Et il gémit en un autre endroit des dangers qu’il avait à souffrir «des faux frères. Ce sont», dit-il, « de faux apôtres, des ouvriers trompeurs, qui se transforment en apôtres de Jésus-Christ». (II Cor. XI, 13.)
Mais le Fils de Dieu les menace ensuite du plus sensible de tous les maux, lorsqu’il leur prédit que la charité des fidèles ne les consolerait point dans les maux qu’ils souffriraient en leur annonçant l’Evangile. Et pour leur apprendre encore que cette considération même ne peut nuire à une âme ferme en Dieu et qui est courageuse, il leur dit de ne rien craindre et de ne se troubler de rien. Car si vous avez, leur dit-il, de la patience, ces maux ne vous abattront pas. Et une preuve de ce que je vous dis, c’est que malgré tous ces maux « l’Evangile du royaume sera prêché par toute la terre pour servir de témoignage à toutes les nations, et c’est alors que la fin doit arriver (14) ». Il semble que, pour les prévenir et pour les empêcher de lui dire : Comment pourrons-nous même vivre au milieu de tant de troubles? il les assure que non-seulement ils vivront, mais même qu’ils prêcheront son Evangile par toute la terre: « Cet Evangile du royaume sera prêché par toute la terre, pour servir de témoignage à toutes les nations, et c’est alors que la fin doit arriver». C’est-à-dire la fin de Jérusalem. Car saint Paul marque assez que l’Evangile avait déjà couru dans tout le monde avant même la destruction de cette ville : « Leur voix », dit-il, « s’est répandue dans toute la terre». (Rom. X, 10.) Et ailleurs : « L’Evangile que vous avez entendu a été prêché à toute créature qui est sous le ciel». (Col. I, 6.) C’est ainsi qu’on voit cet apôtre passer de Jérusalem dans l’Espagne pour y prêcher l’Evangile. Et si saint Paul a lui seul porté la foi dans une si grande étendue de provinces, jugez de ce que tous les autres Apôtres auront pu faire. Aussi le même saint Paul écrit-il ailleurs « que l’Evangile fructifie et a été prêché à toutes les créatures qui sont sous le ciel ». (Ib. 6.)
Cette parole du Sauveur: « Pour servir de témoignage à toutes les nations », marque que l’Evangile sera prêché à tous, mais que tous n’y croiront pas, et qu’il sera annoncé aux infidèles pour être un jour leur condamnation. Ceux qui auront cru s’élèveront contre les autres, et ils porteront témoignage contre eux. Et c’est pour ce sujet que Jérusalem ne sera détruite qu’après que L’Evangile aura été (583) prêché dans tout le monde, afin que ces incrédules et ces ingrats ne puissent plus avoir de prétextes pour excuser leur infidélité. Car quel pourrait être ce prétexte, lorsqu’ils verront la puissance de Jésus-Christ éclater en un moment comme un éclair, et paraître jusqu’aux extrémités de la terre?
J’ai déjà tait voir que saint Paul témoigne clairement que l’Evangile avait été annoncé, lorsqu’il dit : « L’Evangile que vous avez ouï a été prêché à toute créature qui est sous le ciel ». C’est là la plus grande preuve de la toute-puissance et de la divinité de Jésus-Christ, de voir en vingt ou trente ans au plus l’Evangile répandu dans tout le monde. Après cela donc la destruction do Jérusalem arrivera. C’est ce que Jésus-Christ marque dans la suite. Car il rapporte la prophétie de Daniel pour leur faire mieux croire qu’infailliblement leur ville serait détruite.
« Quand donc vous verrez l’abomination de la désolation qui a été prédite par le prophète Daniel, établie dans le lieu saint : Que celui qui lit entende bien ce qu’il lit (15) ». Il entend par cette abomination la statue de celui qui assiégea leur ville, et qui l’ayant prise et ruinée mit sa statue au dedans du temple. Il ajoute « de désolation » , parce que cela ne se fit qu’après que Jérusalem fut désolée. Il marque que cela arriverait encore du vivant de quelques-uns de ceux à qui il parlait, lorsqu’il dit : « Quand vous verrez l’abomination, etc. ». Et c’est ce qui fait voir la puissance souveraine de Jésus-Christ et la force des apôtres qui prêchaient dans tout le monde en même temps que les Juifs étaient chassés de tout le monde, que toute la terre les persécutait comme des rebelles, et que César même les bannissait de tout son empire.