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Œuvres Jean Chrysostome (344-407) In epistulam ii ad Corinthios argumentum et homiliae 1-30 Commentaire sur la deuxième épitre aux Corinthiens
HOMÉLIE XXIII.

5.

L'amour donc lui faisait tenir deux conduites opposées : il recevait et il ne recevait pas; or, cette opposition provenait des dispositions contraires de ceux qui donnaient. Et il ne leur dit pas : Ce qui tait que je ne reçois rien de vous, c'est que j'ai une vive affection pour vous; comme il vient d'accuser leur faiblesse, et de les confondre, il donne de sa conduite une autre explication. Quelle est elle? « C'est afin de retrancher une occasion à ceux qui veulent une occasion de se glorifier, en faisant comme nous (12) » . Ils cherchaient un prétexte qui devait leur être enlevé. C'était là, en effet, pour eux, le seul motif de se glorifier. Il fallait donc leur enlever cet avantage, les corriger sur ce point, car, pour le reste, leur infériorité était notoire. Rien, comme je l'ai déjà dit, n'édifie tant les mondains que la position d'un homme qui ne reçoit rien. Aussi le démon n'écoutant que sa perversité, leur avait surtout jeté cette amorce, afin de leur nuire par d'autres moyens. Je ne vois là que de l'hypocrisie. Aussi l'apôtre ne dit pas: une occasion de pratiquer la perfection de la vertu, mais que dit-il? « De se glorifier ». Par ces paroles, l'apôtre se raillait de leur arrogance; car ils se glorifiaient même des vertus qu'ils n'avaient pas. L'homme bien doué non-seulement ne se glorifie pas de ce qu'il ne possède pas, mais il ne se reconnaît même pas celles qu'il possède. Telle était la conduite de notre bienheureux Paul, telle était celle du patriarche Abraham, disant : « Je ne suis que terre et que cendre.». (Gen. XVIII, 27.) Ce saint homme ne trouvant en lui aucun péché, brillant de toutes les vertus, avait beau s'examiner, impossible à lui de découvrir un titre pour s'accuser lui-même, et il était obligé de se rabattre sur sa nature; et trouvant le mot de terre encore trop respectable, il y joignait le mot cendre. D'où vient qu'un autre disait aussi : « Qui donne de l'orgueil à la terre et à la cendre ? » (Eccli. 9, X.)

Ne me vantez plus l'éclat de ce teint vermeil, ni cette tête si fièrement levée, ni la distinction des vêtements, ni les coursiers, ni les cortéges : quelle est la fin où tendent tous ces avantages, au bout de toute chose mettez cette fin. Si vous me parlez des choses visibles, je vous objecterai les peintures qui les surpassent de beaucoup en éclat; et comme nous n'admirons pas les peintures, parce que nous voyons que toute leur essence n'est que de la boue, de même n'admirons pas les splendeurs de la vie, car il n'y a là encore que de la boue. Avant même la décomposition, la réduction en poussière, montrez-la moi, cette noble tête, montrez-moi ce fiévreux qui râle; et alors causons ensemble, et je vous demande ce qu'est devenu toute cette pompe. Où est-elle passée toute cette année de flatteurs, de (144) serviteurs, d'esclaves, et cette abondance, et cette opulence, et tant de possessions? Quel coup de vent a tout emporté? Mais, dira-t-on , même sur le lit où il est étendu, ce riche porte les marques de son luxe, de magnifiques étoffes le recouvrent, pauvres et riches escortent ses funérailles, où se mêlent les bénédictions des peuples. Voilà surtout en quoi consiste la dérision; quoi qu'il en soit, tout cela c'est la fleur qui passe. Une fois que nous aurons de nouveau franchi le seuil des portes de la ville, après avoir livré le corps aux vers, et que nous serons de retour, je veux vous demander encore où s'en est allée cette grande multitude , ce qu'est devenu ce concert de clameurs, ce tumulte; et ces torches, qu'en a-t-on fait? Où sont ces choeurs de femmes? Est-ce que tout cela n'est qu'un songe? Et ces cris, où sont-ils? Et que font-elles maintenant toutes ces bouches vociférant avec un grand bruit, et conseillant la confiance, parce que la mort n'est rien? Certes, ce n'est pas lorsqu'un homme ne les entend plus, qu'il faut lui dire ces choses; mais quand il se livrait aux rapines, à la passion d'amasser, c'était alors qu'il fallait , en modifiant un peu les paroles, lui dire : pas de confiance, parce que rien n'échappe à la mort; réprime ta fureur insensée, éteins ta cupidité. Ce mot, confiance, il faut le dire à celui qui souffre l'injustice.

De telles paroles, en ce moment, pour ce mort, c'est un ménagement plein d'ironie; il n'a plus de sujet maintenant d'éprouver de la confiance, il n'a plus qu'à craindre, qu'à trembler. Mais s'il est désormais inutile de dire ces choses à ce malheureux sorti du stade de la vie, que ceux qui sont malades comme il l'était, que les riches qui l'accompagnent à sa sépulture, entendent la vérité. Si, jusqu'à ce moment, l'enivrement des richesses les a empêchés de concevoir des pensées sérieuses, qu'à cette heure au moins, quand la vue de ce mort confirme nos paroles, ils reviennent à la sagesse, qu'ils s'instruisent, qu'ils considèrent qu'on viendra bientôt les chercher, eux aussi, pour les conduire au tribunal où se rendent les comptes redoutables, où il leur faudra expier leurs rapines , leur cupidité que rien ne rassasiait. Et à quoi bon ces réflexions pour les pauvres? me répondra-t-on. C'est un très-grand plaisir pour la foule de voir le châtiaient de celui qui commet l'injustice; ruais, pour nous, ce n'est pas un plaisir : notre plaisir à nous, c'est d'être hors des atteintes du mal. Je vous loue vivement, et je vous félicite de ces dispositions, vous faites bien de ne pas vous réjouir des malheurs d'autrui,.de ne regarder comme un bonheur que votre propre sécurité. Eh bien ! cette sécurité, je vous la promets. Quand les hommes nous font du mal, nous nous libérons d'une partie considérable de notre dette, en supportant courageusement ce qui nous arrive. Nous n'éprouvons, à coup sûr, aucun dommage : Dieu nous tient compte de la vexation qui nous est faite, c'est autant de payé sur ce que nous lui devons, et ce n'est pas sa justice qui fait le calcul, mais son amour pour nous. Voilà pourquoi il n'est pas descendu au secours de celui à qui l'on fait du mal. Où est votre preuve ? me dit-on. Les Babyloniens ont fait du mal aux Juifs, Dieu ne s'y est point opposé, et l'on a emmené en servitude les enfants et les femmes. Eh bien ! après cette captivité, qui leur a été comptée comme une expiation de leurs fautes, ce peuple a été consolé. De là ces paroles inspirées par Dieu à Isaïe : « Consolez, consolez mon peuple, ô prêtres; parlez au coeur de Jérusalem , elle a reçu de la main du Seigneur des peines doubles de ses péchés » (Isaïe, XL, 1, 2); et encore : « Donnez-nous la paix, car vous nous avez tout rendu ». (Ibid. XXVI, 12.) Et David dit : « Voyez mes ennemis qui se sont multipliés, et remettez-moi tous mes péchés ». (Ps. XXIV, 19, 18.) Et quand Seméï l'outrageait , David résigné disait : « Laissez-le faire, afin que le Seigneur voie mon humiliation , et me donne la rémunération en échange de ce jour ». (II Rois, XVI, 11, 12.) Car lorsque Dieu ne venge pas les injures qu'on nous fait, c'est alors que nous faisons le plus de profits; il nous compte pour vertu notre résignation qui le bénit.

6. Donc, lorsque vous voyez un riche ravissant le bien d'un pauvre, ne vous occupez pas de celui à qui l'on fait du tort, pleurez sur le ravisseur. Le pauvre se purifie de ses souillures, le riche se souille. C'est ce qui arriva au serviteur d'Elisée avec Naaman. (IV Rois, V.) Car si ce serviteur ne ravit point, il consentit à recevoir frauduleusement; en cela consistait sa faute. Qu'y a-t-il gagné ? une faute de plus, et avec cette faute, la lèpre ; celui à qui on faisait du tort, y trouvait son profit; et celui qui faisait du tort, éprouvait les plus grands maux. C'est aujourd'hui l'histoire de (145) l'âme; et cela s'étend si loin que souvent le mal éprouvé suffit seul pour rendre Dieu propice: celui à qui l'on fait du mal a beau être indigne d'assistance, l'excès de. son malheur suffit pour lui attirer le pardon de Dieu, pour décider Dieu à se porter son vengeur. De là, ces paroles adressées autrefois par Dieu à des barbares à qui il avait confié sa vengeance : « Je ne les avais envoyés que pour un léger châtiment, et ils ont ajouté beaucoup de maux de leur, chef.». (Zach. I, 15.) Et voilà pourquoi ils souffriront des maux sans remèdes. Non, non, il, n'est rien qui excite autant la colère de Dieu que la rapine, la violence, l’insatiable cupidité. Pourquoi ? parce que rien n'est plus facile que de s'abstenir de ce péché. Il n'y a pas là un désir naturel; ce désordre n'est que le fruit de notre indolence. Pourquoi donc l'apôtre l'appelle-t-il la racine de tous les maux? Je dis comme lui, mais ne l'imputons qu'à nous mêmes, cette racine; et non à la nature. Si vous le voulez, établissons la comparaison : voyons quelle est la plus tyrannique, de la cupidité ou de la concupiscence ; la passion qui sera convaincue d'avoir abattu les grands hommes, c'est la plus funeste. Voyons donc quel grand homme a été la proie de la cupidité ! Il n'en est aucun; nous ne trouvons que des êtres misérables, abjects, un Giézi, un Achab de Juda, les prêtres des Juifs. Mais la concupiscence, elle a triomphé du grand prophète David. Ces paroles q ne je prononce ne tendent. pas a excuse ceux qui se laissent prendre par cette passion, mais bien plutôt à les rendre vigilants. Quand je montre la. grandeur de ce mal, je montre combien l'indolence ne mérite aucune excuse. En effet, si vous ignoriez ce que c’est que cette bête féroce , vous pourriez chercher auprès d'elle votre refuge ; mais si, quand vous la connaissez, vous allez tomber sous ses coups, vous ne sauriez rien dire pour vous, justifier: Après David,.son. fils y succomba. plus encore. Certes, pourtant nul ne le surpassa jamais en sagesse; il fut, orné en outre de toutes les vertus; cependant il fut tellement la proie de cette passion, qu'elle lui fit de mortelles blessure. Le père se releva de la chute, renouvela ses combats, reconquit sa couronne ; le fils ne nous montre pas le même spectacle. Aussi Paul disait : « Mieux vaut se marier, que de brûler » ( I Cor. VII, 9) ; et le Christ : « Qui peut comprendre ceci, le comprenne. » (Matth. XIX, 12.) Pour les richesses , il n'en est pas de même ; mais : « Quiconque aura quitté ses biens, recevra le centuple ». (Ibid. 29.)

Mais comment donc, objecterez-vous, a-t-il pu dire. des riches, qu'ils obtiendront difficilement le royaume des cieux? (lbid. 23.) Ces paroles sont faites pour laisser soupçonner ce qu'il y a en eux de mollesse; les richesses n'exercent pas un empire tyrannique, mais les riches s'obstinent à y demeurer asservis. C'est ce que démontre le conseil de Paul. Pour détourner de la cupidité, il dit : «Ceux qui veulent devenir riches tombent dans la tentation ». (I Tim. VI, 9.) A propos de la concupiscence,.il ne tient pas le même langage; après une courte séparation du consentement mutuel du mari et de la femme, il les avertit de se rapprocher. Il. redoutait les flots d'une passion débordée, il redoutait un naufrage sinistre: Cette passion a plus de violence que la colère même : la colère est impossible en l'absence de tout objet qui l'excite ; mais la concupiscence s'éveille même en l'absence de la beauté qui provoqué les désirs. Voilà pourquoi l'apôtre ne condamne pas d'une manière absolue cette passion ; il ajoute qu'il ne faut pas y céder « sans cause » ; ce n'est pas le désir même qu'il supprimé, mais le désir quand il est coupable. « A cause de la concupiscence», dit-il, « que chaque homme possède sa femme à lui ». (I Cor, VII, 2.)

Mais, pour ce qui est de thésauriser, l'apôtre n'admet pas la distinction de cause et de sans cause. Les passions utiles ont été misés en nous par la nature; les désirs des sens répondent à la procréation des enfants; la colère est un secours pour ceux qui souffrent de l'injustice; le désir des richesses ne répond à aucune nécessité. Ce n'est donc pas une passion naturelle. C'est pourquoi s'il vous arrive d'être vaincus par ce mal, votre défaite sera d'autant plus honteuse. Voilà pourquoi Paul, qui permet jusqu'à un second mariage, est si rigoureux .en ce qui concerne les richesses «Pourquoi », dit-il , « ne souffrez-vous pas plutôt, qu'on vous fasse tort? pourquoi ne consentez-vous pas plutôt à perdre? » (I Cor. VI, 7.) Sur la virginité il dit : « Je n'ai point, reçu de commandement du Seigneur ; et je vous dis ceci pour votre utilité, non pour vous tendre un piège » ( I Cor. VII, 25, 35) ; mais c'est un autre langage, s'i1 vient à parler d'argent : « Ayant de quoi nous couvrir, et de (146) la nourriture, contentons-nous-en». (I Tim. VI, 8.) Comment donc se fait-il, dira-t-on, que le grand nombre succombe à cette passion ? C'est qu'on n'est pas préparé à la combattre , comme on l'est à repousser l'impudicité, la fornication; si la cupidité paraissait un mal aussi funeste , on ne s'y laisserait pas prendre si vite. Ces vierges malheureuses de l'Ecriture ont été bannies de la chambre de l'époux parce qu'après avoir terrassé leur plus redoutable ennemi , elles s'étaient laissé vaincre par le plus faible, par un ennemi sans force. On peut aussi ajouter à ces réflexions qu'un homme qui triomphe de la concupiscence, et dont triomphe la cupidité, cet homme bien souvent n'a pas même à triompher de la concupiscence; il doit à la nature de ne pas être troublé de ce côté-là, car nous n'y sommes pas tous également portés.

C'est pourquoi, instruits de ces vérités, ayant toujours devant les yeux l'exemple des vierges, fuyons l'avarice, cette redoutable bête féroce. Si leur virginité ne leur a servi de rien, si, après tant de fatigues, tant de sueurs, elles se sont perdues par leur amour pour l'argent, qui nous sauvera, nous, dans le cas où nous succomberions à cette passion? Aussi je vous conjure de tout faire afin que vous vous débattiez si vous vous êtes laissé prendre. Sachons rompre ces affreux liens. C'est ainsi que nous pourrons parvenir au ciel, et obtenir les biens infinis : puissions-nous tous entrer dans ce partage , par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient, comme au, Père, comme au Saint-Esprit, la gloire, la puissance, l'honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

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