Traduction
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Les Soliloques
12.
L. R. Tu fais bien d’être ébranlé, et la raison qui s'entretient avec toi te promet de montrer aussi bien Dieu à ton esprit que le soleil se montre à tes yeux. L'esprit en effet a comme des yeux; ce sont les sens de l'âme; et les vérités certaines des sciences sont comme les objets qui ont besoin d'être éclairés par le soleil pour être vus, tels que la terre et les autres choses terrestres ; mais c'est Dieu lui-même qui éclair l'esprit. Pour moi, qui suis la raison, je suis dans les intelligences ce qu'est la faculté de voir dans les yeux; car avoir des yeux ce n'est pas regarder; et regarder ce n'est pas voir. Ainsi l'âme a besoin de trois choses d'avoir de bons yeux pour pouvoir s'en servir, de regarder et de voir. Or, de bons yeux, c'est l'esprit pur de la contagion des sens, c'est-à-dire guéri et affranchi de la cupidité des choses terrestres. Cet affranchissement, il lie peut se faire d'abord que par la foi. L'âme en effet ne peut voir qu'autant qu'elle est saine. Si donc elle ne croit pas qu'elle puisse voir jamais ce qu'on ne peut, lui montrer pendant qu'elle est encore souillée de vices et malade, elle ne s'applique point à recouvrer la santé. Mais qu'elle croie sur parole qu'il en est ainsi, et qu'elle pourrait connaître Dieu si elle était guérie; qu'arrivera-t-il si elle désespère de sa guérison? Ne s'abat-elle point, ne se néglige-t-elle point complètement, et ne refuse-t-elle pas d'obéir aux prescriptions du médecin?— A. C'est bien cela, car ces préceptes ne peuvent que paraître durs à l'âme malade. — L. R. Il faut donc ajouter l'espérance à la foi. — A. C'est mon avis. — L. R. Et si l'âme croit que cette connaissance de Dieu est possible, une fois guérie, si elle espère sa guérison sans cependant aimer, sans désirer la lumière qui lui est promise, et pensant devoir se contenter des ténèbres qui lui sont devenues agréables par l'habitude, ne méprisera-t-elle pas aussi le médecin? — A. Cela est incontestable. — L. R. La charité est donc aussi nécessaire? — A. Rien absolument n'est si nécessaire. — L. R. Donc, sans ces trois vertus, aucune âme ne guérit et ne devient capable de voir, c'est-à-dire de connaître Dieu.
Edition
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Soliloquia (PL)
12.
R. Bene moveris. Promittit enim ratio quae tecum loquitur, ita se demonstraturam Deum tuae menti, ut oculis sol demonstratur. Nam mentis quasi sui sunt oculi sensus animae; disciplinarum autem quaeque certissima talia sunt, qualia illa quae sole illustrantur, ut videri possint, veluti terra est atque terrena omnia: Deus autem est ipse qui illustrat. Ego autem ratio ita sum in mentibus, ut in oculis est aspectus. Non enim hoc est habere oculos quod aspicere; aut item hoc est aspicere quod videre. Ergo animae tribus quibusdam rebus opus est ut oculos habeat quibus jam bene uti possit, ut aspiciat, ut videat. Oculi sani mens est ab omni labe corporis pura, id est, a cupiditatibus rerum mortalium jam remota atque purgata: quod [Col. 0876] ei nihil aliud praestat quam fides primo. Quod enim adhuc ei demonstrari non potest vitiis inquinatae atque aegrotanti, quia videre nequit nisi sana, si non credat aliter se non esse visuram, non dat operam suae sanitati. Sed quid, si credat quidem ita se rem habere ut dicitur, atque ita se, si videre potuerit, esse visuram, sanari se tamen posse desperet; nonne se prorsus abjicit atque contemnit, nec praeceptis medici obtemperat? A. Omnino ita est, praesertim quia ea praecepta necesse est ut morbus dura sentiat. R. Ergo fidei spes adjicienda est. A. Ita credo. R. Quid, si et credat ita se habere omnia, et se speret posse sanari, ipsam tamen quae promittitur lucem non amet, non desideret, suisque tenebris, quae jam consuetudine jucundae sunt, se arbitretur debere interim esse contentam; nonne medicum illum nihilominus respuit? A. Prorsus ita est. R. Ergo tertia charitas necessaria est. A. Nihil omnino tam necessarium. R. Sine tribus istis igitur anima nulla sanatur, ut possit Deum suum videre, id est intelligere.