8.
Quand il fut revenu et que tous furent attentifs, je commençai ainsi : Est-il donc vrai, Alype, que nous différions encore sur une chose qui me parait si claire? — Il n'est pas surprenant, dit-il, que ce qui te paraît si clair ne le soit pas pour moi : puisque beaucoup de
choses évidentes peuvent être plus évidentes pour d'autres, et que certaines choses obscures peuvent paraître à d'autres plus obscures encore. Car si tout ceci est vraiment clair pour toi, un autre, crois-moi, peut le trouver encore plus clair, et ce qui me paraît obscur. à moi, peut le paraître davantage à un autre. Mais, pour n'avoir pas plus longtemps à tes yeux l'air d'un disputeur opiniâtre, daigne éclaircir encore ce qui te semble si clair. — Sois bien attentif, je t'en prie, lui dis-je, et laisse un peu de côté la pensée de me répondre. Car si je me connais bien, et si je te connais bien, il sera facile de rendre très-clair ce que je dis, et l'un persuadera vite l'autre. Suis-je devenu sourd, ou n'as-tu pas dit que le sage croit connaître la sagesse? — Il en demeura d'accord. — Laissons donc un instant ce sage. Es-tu ce sage ou ne l'es-tu pas? — Je suis, dit-il, bien loin de t'être? — Cependant, repris-je, je veux que tu me déclares ton sentiment sur le sage des académiciens ; te semble-t-il qu'il connaisse la sagesse? — Demandes-tu, dit-il, s'il s'imagine la connaître où s'il la connaît véritablement et penses-tu que ce soit une même chose ou non? Car je crains que cette confusion ne serve de refuge à quelqu'un de nous.