31.
Imaginons, je vous en prie, si nous le pouvons, pour un instant seulement, une dispute entre le sage et la sagesse. Que dit la sagesse sinon qu'elle est la sagesse? — Je n'en sais rien, répond celui-ci. — Et quel est celui qui dit à la sagesse : Je ne crois pas que tu sois la sagesse, sinon celui avec lequel elle a pu entrer en conversation, et en qui elle daigne venir habiter, c'est-à-dire le sage ?
Allons, venez maintenant me chercher pour que je me mesure avec les académiciens; voici bien un autre combat : La sagesse et le sage sont aux prises, le sage ne veut pas donner son assentiment à la sagesse, j'attends avec vous en toute sûreté. Et qui ne croirait que la sagesse est invincible ? Munissons-nous cependant de quelque argument. Ou l'académicien dans ce combat triomphera de la sagesse et sera vaincu par moi, puisqu'il ne sera pas un sage; ou elle le vaincra et alors nous enseignerons que le sage donne son assentiment à la sagesse. Ainsi, ou l'académicien n'est pas un sage ou le sage donne créance à quelque chose; à moins toutefois que celui qui aurait eu honte de dire que le sage ne connaît point la sagesse n'en ait pas à dire que le sage n'y croit pis. Mais s'il est vraisemblable que la connaissance de la sagesse appartient au sage, et s'il n'y a pas de raison qui empêche qu'on ne donne créance à ce qu'on peut connaître, je trouve que ce que ;je prétendais est vraisemblable, c'est-à-dire que le sage donnera créance à la sagesse.
Si tu me demandes où il voit cette sagesse, je te répondrai que c'est en lui-même. Si tu ajoutes qu'il ne sait pas ce qu'il a, tu retombes dans cette absurdité, que le sage ne connaît point la sagesse. Si tu nies même qu'un sage ne se puisse trouver, ce ne sera plus avec les académiciens, mais avec toi ou tel autre qui aura ce sentiment, que nous discuterons dans un autre entretien. Car discuter cette question, c'est discuter l'existence même du sage. Cicéron déclare qu'il est fort pour avoir des opinions mais qu'il cherche encore le sage. Si vous autres jeunes gens ne connaissez pas encore cela, du moins vous avez lu dans Hortensius : « Si donc il n'y a rien de certain et s'il ne convient. pas au sage de s'arrêter à des opinions, le sage ne croira jamais rien. » D'où il est clair que dans ces discussions contre lesquelles nous nous armons, ils s'occupaient de l'existence du sage.